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Vidéo animalière : que mettre dans son sac ?

RETOUR D'EXPÉRIENCE

Publié le 28/06/20

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Si ce n’est pas la caméra qui fait la qualité des images mais l’œil du cadreur, dans le domaine très particulier de l’animalier, il faut admettre que le matériel fait une vraie différence. Malgré tout, il existe quelques astuces pour s’en sortir et se faire plaisir avec un budget léger, ce que nous allons détailler ici.

Avec un téléobjectif à pleine ouverture, la profondeur de champ est très réduite. La mise au point doit se faire manuellement, sans quoi ce sont les feuillages qui seront nets. © Aurélie Gonin

Quand on vous demande quel serait le job de rêve pour vous, qu’est-ce qui vous vient à l’esprit ? En premier, le vôtre j’espère, mais ensuite ?… Est-ce que l’idée de parcourir le monde à l’affût des animaux les plus extraordinaires pour en tirer les meilleures images ne vous fait pas rêver ? Participer au tournage d’un Planet Earth de la BBC ou alimenter l’inventaire de la planète de The Explorers… Voici quelques conseils pratiques qui pourront vous accompagner pour sauter le pas !

 

 

Tout d’abord pour décider du contenu de son sac il faut répondre à une série de questions :

  • Quel est le milieu des animaux ? Terrestre ? Marin ?
  • Quel est le moment où l’on peut les observer ? Aux levers et couchers du soleil ? De nuit ? En pleine journée ?
  • Quel est le point d’observation ? Un véhicule ? Un espace aménagé (du type cabane d’observation des oiseaux) ? À pied ou à la nage au plus près de la faune ?
  • Quelle est leur taille ? Microscopiques, moins de quelques centimètres ? Inférieure à la taille humaine ? Très gros ?

 

On comprend bien à la lecture de ce questionnaire que le choix du matériel est dicté par les sujets que l’on va chercher à photographier. Bien évidemment, la faune sous-marine impose l’utilisation d’un équipement étanche, mais de manière générale la taille des animaux influe sur le choix des optiques, macros ou non, et la quantité de lumière sur l’ouverture nécessaire. Les accessoires dépendent bien sûr du matériel de prise de vue, mais aussi des conditions de tournage envisagées.

À l’exception de vos amis domestiques, les animaux que nous cherchons à filmer sont sauvages, c’est-à-dire qu’on ne peut pas les approcher outre mesure pour ne pas les déranger, les faire fuir, ou risquer de se faire agresser par eux. Il est donc indispensable de réduire cette distance artificiellement en utilisant un téléobjectif. L’activité de la plupart d’entre eux étant maximale dans la pénombre des levers et couchers du soleil, cela implique que cet objectif soit lumineux. La configuration idéale s’organise donc autour d’une optique de 400 mm (équivalent plein format) ou plus, avec la plus grande ouverture possible.

Or, on le sait, la combinaison longue focale/grande ouverture va de pair avec le coût d’une optique, ainsi qu’avec son poids et son encombrement. Si vous n’avez pas les moyens d’investir dans un téléobjectif à plusieurs (dizaines de) milliers d’euros, vous pouvez déjà compenser la perte de luminosité en choisissant une caméra qui soit capable de monter haut dans les ISO sans générer de bruit désagréable, comme les Alpha7 de Sony. Une solution économique peut être l’utilisation d’un doubleur qui va allonger la focale, mais aussi réduire la luminosité ainsi que le piqué.

Sur les boîtiers Nikon, une astuce consiste à ne pas utiliser toute la surface du capteur en basculant du plein format au DX, ce qui applique un coefficient 1,5 aux optiques : un 300 mm devient ainsi un 450 mm sans perte de définition pour la vidéo. Dans la même idée on peut tourner en UltraHD (ou plus) pour un projet final en HD, de sorte à pouvoir cropper la vidéo sans en réduire la qualité, puisque l’image enregistrée est quatre fois plus grande que celle de sortie.

Je n’ai pas encore eu personnellement l’occasion d’utiliser des bridges, comme le Nikon P950, mais les performances annoncées de leurs zooms laissent rêveur : équivalent 2 000 mm ! Le piqué ne peut bien sûr pas lutter contre du matériel plus haut de gamme, mais le rapport zoom/prix/poids donne envie d’essayer, au moins pour s’initier à la vidéo animalière sans se ruiner.

Quand on conjugue très longue focale et ouverture maximale, on parvient à une profondeur de champ extrêmement réduite. Cela donne des effets de bokeh magnifiques, à condition d’être net sur le sujet qui nous intéresse. Celui-ci aura toutes les chances d’être en mouvement et partiellement caché dans la végétation, ce qui rend impossible l’utilisation de l’autofocus qui pomperait et se fixerait sur les herbes au premier plan au lieu du félin tapi derrière. Les viseurs des caméras ont grandement gagné en qualité ces dernières années, mais pour plus de précision il est recommandé d’ajouter une visée sur l’écran pour avoir un meilleur aperçu de sa mise au point.

Un téléobjectif est lourd, avec un agrandissement tel que les vibrations sont amplifiées à l’écran. Il est donc indispensable de tourner avec un trépied d’un gabarit adapté à celui de l’optique, avec si nécessaire un support venant supporter le poids de celle-ci pour ne pas forcer sur la monture de la caméra. On comprend aisément que l’ensemble matériel de prise de vue et trépied ne facilite pas les déplacements à pied.

Dans le cas d’un safari en Afrique, la prise de vue se fait généralement depuis un véhicule tout-terrain ouvert, pour accéder à toutes les zones et se tenir à distance des bêtes potentiellement dangereuses. Un trépied ne pouvant pas se déployer dans une voiture, on le remplace par un monopod, qu’on peut agrémenter d’une rotule pour faciliter son utilisation, ou par des sacs de petites billes posés sur les montants du 4×4 pour se caler dessus et mieux se stabiliser.

Bien qu’il soit toujours intéressant de voir les détails de l’animal filmé, c’est important aussi de le situer dans son contexte : ce lion est-il dans la savane ou dans un zoo ? Il ne faut donc pas oublier les plans de situation plus larges, tournés avec des focales plus courtes. L’utilisation d’un zoom facilite le passage d’une échelle à l’autre sans avoir à changer d’optique, au risque que l’animal disparaisse entre temps ou que de la poussière entre dans l’appareil. Certains d’entre eux ont beau être sauvages, ils se laissent facilement approcher, comme les singes, pour lesquels une focale standard peut donc suffire.

Il est aussi des animaux pour lesquels le long téléobjectif n’est pas adapté : les minuscules. Pour les insectes de notre jardin, il faut au contraire s’équiper d’un objectif macro, par exemple un 100 mm, pour pouvoir se rapprocher au maximum d’une bête peu farouche et dont on souhaite capturer tous les détails.

 

Un autre outil peu approprié est le drone, dont le bruit va vraisemblablement faire fuir nos sujets. On peut ainsi obtenir des plans de girafes en course par exemple, mais l’intention est quand même avant tout d’éviter de déranger les animaux que l’on filme.

Le cadreur étant souvent éloigné de ses sujets, la prise de son n’est pas évidente, à moins d’avoir des micros ultra-directionnels pointés sur la scène filmée. Toutefois, il ne faut pas oublier d’enregistrer des sons d’ambiance, le bruit de la jungle ou un rugissement lointain de lion par exemple, car ils seront bien utiles au montage.

Un cas où le drone peut apporter des points de vue intéressants sans perturber son sujet est celui du monde sous-marin. En survolant un récif avec un drone équipé d’un filtre polarisant qui aide à supprimer les reflets sur l’eau on obtient des vues magnifiques du site avec ses massifs coralliens, voire d’un requin-baleine ou d’un groupe de raies-manta en transit dans le secteur.

Toutefois, les meilleures vues s’obtiennent en immersion, ce qui nécessite bien entendu une certaine aisance dans l’eau, voire un excellent niveau de plongée. Si on limite ses mouvements, la faune se laisse approcher bien plus facilement que sur terre, ce qui rend inutile un téléobjectif, d’autant plus que la visibilité dans l’eau reste limitée à des distances assez proches. Pour autant, on choisit une optique standard ou macro selon que l’on cherche à observer des pélagiques ou de petits nudibranches. Et bien entendu, il faut que le matériel supporte l’immersion, et donc qu’il soit dans un caisson étanche. On utilise essentiellement des boîtiers photos, qui peuvent être agrémentés d’un éclairage pour compenser l’obscurité des profondeurs.

Si le coût d’un tel équipement est trop élevé, on peut se tourner vers des compacts étanches, à l’image de l’Olympus TG6 ou du Nikon W300 qui sont conçus pour supporter de descendre en profondeur sans caisson. Le rendu de ces appareils est très satisfaisant et bien plus adapté à la vidéo sous-marine que les action-cams dont les objectifs grand-angle éloignent trop les sujets.

 

Une fois le choix du matériel de prise de vue effectué en fonction de tous ces critères (et de notre budget) et notre sac à dos bouclé, il reste à approcher nos sujets ! Il n’est pas indispensable d’aller à l’autre bout du monde pour observer de la faune sauvage, on en trouve aussi en France, dans les parcs nationaux bien sûr, et même jusque dans nos villes.

Les moments d’activité sont souvent ceux de transition entre jour et nuit, donc le sommeil du vidéaste est court, mais le bonheur d’une rencontre furtive compense largement la fatigue. S’aider d’un guide est un vrai plus, car ils connaissent tellement les habitudes des animaux de leur secteur qu’ils sont capables d’anticiper leurs déplacements. Je me souviens d’une traque de léopard une nuit, en Afrique du Sud, quand le tracker a annoncé « Attendons un peu ici » et quelques instants plus tard l’animal est apparu face à nous : un instant magique, et une belle image…

Le matériel souffre dans ce type de tournage, car l’environnement est souvent poussiéreux ou humide. Il vaut mieux choisir un boîtier tropicalisé pour limiter les risques. Le nettoyage est une étape quotidienne sur laquelle il ne faut pas lésiner, que ce soit pour enlever le plus possible de boue ou de poussière, ou pour rincer l’équipement immergé longuement dans l’eau salée.