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Virtual Production, le nouveau service de Sony dans le cloud
DÉMATÉRIALISATION
Publié le 22/04/20
Rédigé par Pierre Antoine Taufour
Sony a lancé cet automne Virtual Production, un nouveau service dans le cloud pour réaliser en direct des émissions diffusées vers les réseaux sociaux ou le web. La sélection des images live transmises en wi-fi ou en 4G, l’envoi de séquences enregistrées et l’habillage graphique sont effectués via un simple navigateur web depuis un micro-ordinateur installé quelque part dans le monde. Un nouveau pas vers la dématérialisation des moyens de production…
Le mélangeur vidéo reste l’élément central pour réaliser un programme vidéo en direct. Même si des modèles compacts, associant plusieurs fonctions annexes comme la lecture et l’enregistrement vidéo, le codage en streaming ou un affichage de type multiviewer dans un seul équipement, sont proposés par divers constructeurs, leur mise en place reste une opération un peu complexe et demande du temps, surtout s’il faut l’installer sur le lieu de l’événement à retransmettre.
Le principe de la remote production simplifie ces opérations, mais exige la présence d’un réseau de télécommunications performant à proximité du lieu de captation. Virtual Production est un service proposé par Sony, qui associe le concept de remote production, l’usage de liaisons sans fil (wi-fi ou 4G) pour rapatrier les images des caméras et un mélangeur totalement virtuel fonctionnant dans le cloud.
Un outil complémentaire aux mélangeurs classiques
Nicolas Moreau, responsable commercial Solutions vidéo, précise d’emblée que « Sony ne remplace pas les mélangeurs vidéo “hardware” par des appareils virtuels. Virtual Production vient compléter les solutions traditionnelles pour réaliser des émissions en live avec des équipes ultralégères. Par exemple, pour alimenter en direct les réseaux sociaux avec un contenu mieux fini qu’avec une seule caméra virevoltant au gré des cadrages. »
Pour lui, ce type de services concerne également les groupes média ou presse qui souhaitent enrichir les supports numériques avec des contenus vidéo live. Des chaînes de news pourront mettre en place très vite des plateaux en regroupant momentanément des JRI envoyés sur une actualité brûlante. Enfin, les petites structures de production « corporate » qui ne pouvaient pas avoir recours à un car-régie, trop onéreux, assureront très vite la couverture d’un évènement pour le retransmettre via une web TV.
Virtual Production s’appuie sur la gamme des caméras Sony XDCam Air capables de transmettre les images filmées via une liaison sans fil grâce à un adaptateur wi-fi ou 4G. Selon le modèle de caméra et surtout sa génération, il faut soit lui adjoindre un boîtier externe d’encodage vidéo et de transmission, soit un petit module de connexion USB ou enfin une simple clé 4G ou wi-fi (cf. Mediakwest #21 pour plus de détails).
Cette gamme XDCam Air de Sony comprend 18 modèles de caméscopes couvrant tous les niveaux de performances et configurations de travail. L’objectif est d’offrir aux cadreurs ou JRI un moyen de transmission en direct des images filmées sans avoir recours à un dos externe 4G, ou de transmettre rapidement après la prise de vues les rushes vers un serveur de postproduction. Il permet aussi un accès réseau pour le piloter à distance et un moyen de visualiser les rushes sur un ordinateur ou une tablette.
Pour fiabiliser ces liaisons sans fil, Sony a mis au point un protocole de QoS propriétaire, associant une correction d’erreurs de type FEC, un mode de réexpédition des paquets en cas de corruption et un outil d’adaptation de la qualité des images en fonction du débit.
Grâce aux liaisons sans fil, mixer les images captées sur plusieurs plateaux
Sony met à profit tous ces moyens pour établir la liaison entre les caméras qui filment l’émission et le mélangeur intégré à Virtual Production. Il suffit au cadreur d’établir la liaison wi-fi ou 4G, puis de se connecter sur l’URL du service, de rentrer son identifiant et son mot de passe. Cette opération est à effectuer une seule fois. Dès la prochaine mise en route de la caméra, elle se reconnecte automatiquement.
Virtual Production accepte jusqu’à six sources live en même temps, quel que soit leur emplacement dans le monde. Il est tout à fait possible de mixer des images provenant de Paris, New York et Buenos Aires, à condition d’avoir un accès Internet avec un débit suffisant.
Pour l’instant, les caméras encodent des images avec une résolution de 720p, ce qui exige idéalement un débit de 6 Mb/s, mais les experts de Sony ont déjà réalisé des liaisons correctes avec seulement un mégabit/sec., grâce aux performances des protocoles de correction de Sony. Dès cet automne, le service Virtual Production fonctionnera avec des résolutions en 1080i et là le débit optimal devra être autour de 10 Mb/s.
Il est également possible d’envoyer des flux vidéo à partir d’autres outils de streaming, car le service Virtual Production accepte des signaux codés en RTP et en RTMP, mais dans ce cas sans profiter des avantages apportés par la QoS de Sony.
En plus des six caméras en direct, le mélangeur Virtual Production accepte d’autres sources d’images : une bibliothèque d’images fixes et un pool de séquences vidéo préenregistrées. Deux d’entre elles sont lues simultanément via deux players internes. Ces éléments, au format MP4 ou XAVC sont préchargés dans Virtual Production depuis un stockage dans le cloud ou depuis CI, le service de postproduction et d’archivage en ligne de Sony.
Au niveau de l’enchaînement des sources, les fonctions restent assez simples : commutation cut, fondu avec une durée choisie à l’avance, une fonction PIP et un affichage de deux sources en mode side by side. Il est également possible d’incruster deux titres et deux logos en superposition avec pour l’instant un paramétrage assez limité.
Sony fournit une API pour associer son outil Virtual Production à d’autres logiciels et il semble que ses concepteurs réfléchissent à des accords avec des éditeurs de suites d’habillage graphique pour enrichir cette fonction du service.
Un simple ordinateur relié à Internet pour réaliser le direct
Le fonctionnement du mélangeur est contrôlé depuis un micro-ordinateur ou une tablette, via un navigateur web qui se connecte sur le service Virtual Production, hébergé par AWS (Amazon Web Services). L’interface de commande est organisée en deux pages distinctes : une première qui sert à accéder au service et à fixer tous les paramètres de fonctionnement et une seconde qui reprend l’organisation classique du pupitre de mélangeur avec affichage des sources en vignettes au milieu de l’écran, une fenêtre preview et une fenêtre programme en partie haute, la partie basse étant réservée au mélangeur son qui fonctionne de base en audio follow vidéo. Des équivalents clavier sont fournis pour déclencher la sélection des sources de manière plus rapide qu’à la souris.
Si la réalisation est un peu complexe, avec à la fois la sélection des images, la gestion de l’habillage graphique et le contrôle des niveaux, effectuer toutes ces opérations à partir d’un écran unique d’ordinateur peut se révéler assez acrobatique. Dans l’outil de configuration, il est prévu de dédier chaque tâche à un ordinateur distinct, de manière à ce que chaque opérateur se consacre à la tâche qui lui incombe sur une machine dédiée. Concernant la latence, elle est de l’ordre de deux secondes entre la caméra et la sortie du mélangeur.
La sortie programme est diffusée au maximum vers trois services de streaming : Facebook Live, YouTube Direct ou un serveur de streaming compatible RTMP. La sortie programme est enregistrée sur les serveurs de Virtual Production ainsi que les sources d’images live en mode divergé. Pour l’instant, il n’y a pas de gestion des tally ni d’intercom. Mais on peut supposer que ces fonctions pourraient être ajoutées un jour au système, car les liaisons wi-fi ou 4G étant bidirectionnelles, le transport de ces signaux vers les caméras ne devrait pas être trop compliqué à mettre en place. Pour l’intercom, le système d’intercom sans fil Unity pourrait pallier ce manque.
Le modèle économique du service est basé sur un abonnement annuel facturé, soit 300 € par mois pour quatre heures de diffusion mensuelles, soit 700 € par mois pour dix heures de diffusion mensuelles. Pour les services qui prévoient des volumes plus importants, il existe d’autres packages qui s’échelonnent de 100 à 750 heures à des tarifs à négocier directement avec Sony. Dans le futur, il est envisagé une facturation à la durée sans abonnement fixe.
La durée prise en compte pour la facturation correspond à celle où la sortie programme est envoyée en streaming. Tant que la commande d’envoi du flux n’est pas engagée, rien n’est facturé, et donc la période de préparation, de mise au point du direct est gratuite, hormis les coûts de transmission en 4G. Le stockage des séquences enregistrées et des images fixes pour accompagner le direct n’est pas facturé, ainsi que le stockage des enregistrements du programme et des caméras, disponibles pendant 48 heures après le direct.
Red Bull a testé en avant-première le service Virtual Production de Sony pour retransmettre en direct pendant six heures d’affilée sur les réseaux sociaux, la Red Bull Alpenbrevet, une course de cyclomoteurs haute en couleurs et un peu déjantée qui se déroule chaque année dans le canton d’Obwald en Suisse.
Article paru pour la première fois dans Mediakwest #28, p. 68/69.