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Le Mixage tient dans la poche avec AudioFuse

INTERFACES AUDIO

Publié le 18/08/20

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En test, la petite AudioFuse hyper compacte et l’AudioFuse Pro toute récente, deux interfaces USB de style Desktop qui proposent des fonctionnalités et une ergonomie particulières.

À gauche, L’AudioFuse partage avec la version « Studio » une ergonomie rappelant « l’esprit console ». © DR

Arrivé sur le marché hyper concurrentiel de l’interface audio voici trois ans, le français Arturia a développé la gamme AudioFuse avec pour cible principale le home-studio musique, mais qui commence à attirer l’attention au-delà du secteur purement musical.

Spécialisé initialement dans le développement d’instruments virtuels, Arturia a investi progressivement le monde du hardware. Claviers maîtres, synthétiseurs et séquenceurs matériels, boîtes à rythmes et interfaces audio, la firme grenobloise propose aujourd’hui à peu près tout ce qui peut faire le bonheur du créateur de musique contemporaine et électro.

C’est dans ce cadre que la gamme d’interfaces prend forme en 2017 avec tout d’abord l’AudioFuse aujourd’hui disponible dans une version légèrement révisée, secondée depuis six mois par l’AudioFuse 8Pre, un octuple préampli doublé d’une interface audio basique et tout récemment par l’AudioFuse Studio. Le pari est osé car l’offre est plus qu’abondante sur ce secteur, surtout sur le marché du home-studio. Dans ce contexte, il est intéressant de constater que, outre l’accueil favorable de la presse spécialisée et des influenceurs, l’AudioFuse a également attiré l’attention dans le domaine du broadcast.

Après plusieurs essais infructueux, Fabrice Uguen, chef opérateur son à France 3 Caen la découvre ainsi par hasard et décide de la tester sur le mixage de sujets en régie flight case que la chaîne régionale réalise entièrement sur le site de manifestations telles que le Festival de Deauville.

« La qualité de son de notre mixage nomade était inférieure à celle des sujets produits en régie fixe. Nous avions notamment des soucis avec certains micros pour régler le gain d’entrée. Soit c’était trop faible, soit ça saturait. » Dès la première utilisation, les retours sont positifs : « Le cadre son et le chef op son chargé du mix antenne m’ont immédiatement appelé après le direct pour me dire que c’était beaucoup mieux… » Alors les AudioFuse sont-elles si différentes de leurs concurrentes ? Il n’en fallait pas plus pour motiver un essai plus approfondi de ces interfaces conçues en France.

 

Une densité inhabituelle

D’entrée de jeu, nous choisissons de tester la petite AudioFuse dont le carton quasi cubique renferme un drôle d’objet carré protégé par un couvercle amovible. Elle peut, ainsi protégée, prendre place facilement dans un sac à dos. La densité inhabituelle de commandes et de connecteurs au centimètre carré qu’elle propose est frappante. On imagine donc que la face arrière doit pouvoir facilement se transformer en une jungle de câbles, mais il faut reconnaître que sur la face supérieure, les boutons et les encodeurs qui permettent de régler les niveaux sont de tailles plutôt confortables.

Le tour du propriétaire révèle deux entrées micros combo XLR et deux sorties casques doublées jack et minijack en face avant, et une avalanche de connecteurs en face arrière : deux jacks d’insert pour les entrées micro, une entrée stéréo commutable ligne/phono, 8 Adat In/Out, le midi au standard minijack, deux paires de sorties et même un petit hub USB trois ports ! Ce dernier se montre à l’usage bienvenu, d’autant plus que les ordinateurs récents comprennent de moins en moins de ports pourtant nécessaires pour connecter un dongle, une clef USB ou même un clavier maître.

Pour alimenter l’AudioFuse, Arturia a imaginé plusieurs scénarios en fonction de l’intensité du courant fourni par le bus USB de l’ordinateur hôte et des besoins en énergie de la carte son. Le plus sûr reste donc d’utiliser l’alimentation secteur fournie qui garantira les meilleures performances, mais on peut alternativement utiliser le câble USB en Y livré, voire se risquer avec un simple câble micro-USB qui conviendra pour une utilisation minimaliste, sans faire appel aux alimentations 48 V.

 

Un mini studio en sac à dos

Le mode d’emploi bien conçu et disponible dans un français limpide nous apprend que l’AudioFuse est compatible Mac OS, Windows, mais aussi iOS, Android et Linux, ce qui n’est pas si courant. Testée avec un MacbookPro et un Mac Mini sous Mac Os 10.14 et 10.15, l’interface est immédiatement reconnue sous les deux plates-formes. Dès l’allumage, on est agréablement surpris par le retour visuel offert digne d’une vraie console.

Les contrôles des niveaux d’entrée et de sortie se font sur de vrais afficheurs lumineux multi segments bien lisibles, et on dispose de boutons individuels pour la mise en service du 48 V, de l’inversion de phase, de l’atténuation (PAD) et d’un commutateur Instrument/Line par voie.

La section monitoring permet de contrôler deux types d’écoute que l’on peut passer en mono, atténuer ou muter (Touches Dim et Mute) comme dans un « vrai » studio. Le mixeur interne propose également trois bus distincts (main, Cue1 et 2) que l’on peut affecter à loisir à condition de télécharger l’AudioFuse Control Center qui, d’une manière générale, permet d’aller plus loin dans les configurations. De même, bon nombre de réglages sont accessibles directement sur l’interface.

En écoute comparative avec une interface d’entrée de gamme, un morceau mixé, même un simple MP3 sur iTunes semble lever un voile dans le haut du spectre et donne plus de largeur et des basses plus fermes. Un résultat sans doute dû à la qualité de l’horloge interne et des convertisseurs utilisés.

Sous Mac OS, l’interface est sans surprise, parfaitement reconnue dans le CoreAudio. Un petit test avec différentes applications telles que Logic Pro, Final Cut Pro et Pro Tools se montre convaincant, sauf sous Catalina où le nom des entrées/sorties définies par le constructeur n’apparaissent pas dans les applications. Il s’agit visiblement d’un petit bug, mais qui ne se montre pas franchement gênant…

 

Play Rec

Une séance d’enregistrement de voix parlée révèle que les deux préamplis micro DiscretePRO encensés par la critique sont effectivement performants. Le souffle reste bas même à des valeurs de gain élevées tandis que la réserve se montre confortable et bien étagée.

Difficile par contre de deviner que pour y avoir accès en totalité, il faut appuyer trois secondes sur la touche PAD qui, au lieu d’atténuer, donnera alors 10 dB de boost supplémentaires, soit un total de 72 dB. Voilà qui permet au besoin de s’écarter des traditionnels micros statiques pour redécouvrir le charme et les qualités des micros dynamiques ou à ruban, certes beaucoup moins sensibles, mais qui permettent d’obtenir des couleurs différentes.

Comme ces technologies de micros sont généralement reconnues pour bien isoler le sujet de son environnement acoustique, on pourra également en profiter pour réaliser au besoin des enregistrements hors du studio, même dans des lieux où l’acoustique n’a pas été travaillée… On dispose également d’une fiche d’insert en jack permettant facilement d’utiliser un compresseur externe à l’enregistrement.

La petite Arturia offre donc l’essentiel pour réaliser une prise de voix ou poser un commentaire sur des images, d’autant que pour simplifier la communication au casque avec le musicien ou le comédien voix, elle dispose d’un circuit de talk-back intégré avec un bouton dédié qui peut fonctionner en mode fugitif ou permanent. Dommage que le bruit de fond qui apparaît alors dans le casque soit si élevé.

Le niveau fourni par les préamplis est également un peu juste, en tout cas avec des casques atteignant 250 ou 500 ohms d’impédance. Un bon point en revanche pour les deux sorties casques dotées de niveaux indépendants et vers lesquelles on peut envoyer trois mix casques différents grâce à ses bus Cue1, Cue2 et Main dont on peut déterminer le routing depuis le Control Center.

Si vous souhaitez incorporer à vos productions une source vinyle, le préampli RIAA intégré peut être affecté aux entrées 3-4 pour les enregistrer facilement avec un résultat très satisfaisant. Et en cas de besoin d’entrées/sorties supplémentaires, les ports Adat LightPipe permettent d’en rajouter jusqu’à huit. Enfin des petits détails bien pensés comme l’atténuation qui s’enclenche automatiquement quand on branche un jack pour minimiser les risques de saturation à l’entrée ou encore la touche Arturia qui permet d’afficher à l’écran le Control Center.

On peut juste être un peu inquiet par l’important dégagement de chaleur provoqué par l’AudioFuse lorsqu’elle est alimentée sur secteur, mais rien d’alarmant, nous expliquera Martin Dutasta lors de son interview à lire à la suite de cet essai.

 

Plus aboutie et plus complète

Plus récente, moins compacte mais aussi plus complète, l’AudioFuse Pro adopte la connectique USB-C, plus moderne. Elle conserve les spécificités et la philosophie de sa sœur aînée (la qualité audio, l’entrée phono, le hub USB, le talk back, la présentation desktop, le retour tactile et visuel façon console) tout en permettant d’aller plus loin grâce à un équipement plus complet et un éventail d’entrées/sorties élargies.

On passe ainsi à quatre préamplis micro Discrete Pro auxquels s’ajoutent quatre entrées lignes en jack dont une paire est doublée en RCA pour servir d’entrée Phono. De quoi laisser éventuellement plusieurs sources connectées à demeure et de se comporter comme un gestionnaire d’écoute plus étoffé. Elle offre également la possibilité de travailler jusqu’en 96 kHz sur les extensions Adat.

Petite touche de modernité, la paire d’entrées 7-8 est utilisable pour recevoir le récepteur Bluetooth intégré, de quoi écouter ou enregistrer facilement une source provenant d’un téléphone. Dans le même esprit, une section « Loopback » permet d’enregistrer le son qui sort de l’ordinateur. Au hasard, une ITV réalisée via FaceTime, un morceau Spotify, un bruitage ou une archive YouTube, bref tous les éléments disponibles sur Internet dont les monteurs sont devenus friands peuvent être facilement enregistrés et utilisés dans la station audio ou vidéo de son choix. Reste ensuite à prendre ses dispositions pour respecter les règles de propriété intellectuelle, mais c’est une autre histoire…

Sans doute plus sage et plus mature dans sa conception, cette version Studio progresse par rapport à la petite AudioFuse sur de nombreux points. Elle chauffe moins, son Control Center est plus lisible et ses préamplis casques sont dotés cette fois d’un niveau suffisant en toute circonstance.

 

Des détails bien pensés

Au final, Arturia propose ici deux interfaces dotées d’une qualité audio indéniable qui se distinguent par une somme de détails bien pensés et des possibilités de routing suffisantes dans la plupart des cas sans passer par une vraie matrice d’entrées/sorties comme le proposent certains concurrents. Cet ensemble de prestations peut tout à fait trouver sa place dans une régie de montage vidéo voire, pour certaines applications, dans un studio son compact, même si le Madi ou les standards d’audio sur IP ne sont pas de la partie.

À l’heure du choix, il faut également garder à l’esprit que les AudioFuse se connectant uniquement en USB avec l’ordinateur, leurs performances en termes de latence restent celles du protocole USB-2. Avec cette technologie, l’expérience montre que si à l’enregistrement, on choisit d’écouter via le logiciel hôte afin de bénéficier du confort de son traitement audio, il faudra alors veiller à garder une taille de buffer réduite sous peine de voir apparaître une latence gênante, une contrainte que seuls les ordinateurs puissants connectés à des disques rapides peuvent assurer.

Sachant que pour une centaine d’euros de plus que l’AudioFuse Studio, il existe des interfaces Thunderbolt plus performantes sur ce point, mais sans doute moins bien dotées sur d’autres critères, il faut bien peser le pour et le contre à l’heure du choix…

 

L’offre logicielle incluse

Outre le Control Center, l’achat d’une interface de la gamme AudioFuse donne accès à un ensemble de plugs-in à télécharger sur le site Arturia. On y trouve notamment Analog Lab Lite, une collection de 500 sons de claviers mythiques recréés grâce à la technologie de modélisation TAE (True Analog Emulation) réunie dans un seul instrument virtuel. En fait, il s’agit de la version allégée du « Best Of Maison » qui comprend aujourd’hui presque 6 000 presets. Le panel est vaste, les sons de qualité et la facilité d’utilisation est au rendez-vous, notamment grâce au moteur de recherche intégré.

Voilà un outil agréable à utiliser pour se lancer dans la composition sur ordinateur, voire pour compléter sa bibliothèque de Sound-Design. Mais si la création musicale n’est pas votre domaine, l’offre comprend également une sélection de sept plugs-in ayant pour vocation l’émulation de différents traitements audio vintage.

Préamplification micro et EQ, filtres, compresseur, réverbérations et délais dont la vocation est de reproduire des modèles prestigieux, ces traitements logiciels choisis dans la gamme audio de l’éditeur complèteront utilement votre trousse à outils bien au-delà de la production musicale. Ainsi, la combinaison Comp-FET-76/Pre-1973 sur les voix parlées s’est montrée lors de nos tests tout à fait pertinente. Un retour vers le passé ?

 

Pour en savoir plus sur cette ligne de produits audios, lisez notre article  7 questions à Martin Dutasta, responsable de la gamme audio chez Arturia

Article paru pour la première fois dans Moovee #4, p.42/43. Abonnez-vous à Moovee (6 numéros/an) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.