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Apprendre et réinventer le cinéma !

ATELIERS

Publié le 24/03/20

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Beaune, capitale du vin, pourrait bien devenir aussi la capitale des cinéastes de demain, grâce aux Ateliers du cinéma créés par Claude Lelouch. Lesquels offrent une immersion dans une véritable production de longs-métrages pour apprendre et réinventer le cinéma. Nous avons rencontré leur directeur, Remi Bergman, également directeur de production des films de Claude Lelouch…

Ce lieu de créativité ressemble à un long tunnel qui regroupe tous les équipements nécessaires à la réalisation de films, mis à la disposition des apprentis. © DR

Moovee : Quels sont les objectifs de ces Ateliers ?
Rémi Bergman : Les Ateliers du cinéma sont une organisation à but non lucratif dont l’objectif est de trouver le cinéaste de demain en essayant d’aller vers les nouvelles techniques (caméra 360, tournage avec smartphone…). C’est le cinéma d’auteur qui s’ouvre à tous pour donner une chance aux plus téméraires, aux amoureux du cinéma, ceux qui veulent le vivre en vrai ! Nous avons reçu les apprentis, pour la première promotion en mars 2016, car nous n’avons pas d’élèves, pas de professeurs, mais des apprentis qui rencontrent des techniciens.

M : Quels types de candidats sélectionnez-vous ?
R. B. : Je le répète, notre objectif est de découvrir les talents de demain. Nous accueillons des candidats qui viennent de partout, dont on ignore tout, même leur cursus scolaire, mais on se limite aux jeunes, car passé un certain âge, il est difficile de travailler sous les ordres de personnes plus jeunes que soi-même ou sur des tâches peu gratifiantes. Par ailleurs, notez que les apprentis sont payés quand ils travaillent.

M : Comment s’effectue la sélection ?
R. B. : Les apprentis sont sélectionnés par Claude Lelouch et l’équipe des Ateliers sur le visionnage d’un court-métrage dont le thème est proposé chaque année par Claude, comme par exemple : « Cinq minutes de bonheur » ou « Cinq minutes de malheur », pour cette année. Afin de préserver une égalité entre les candidats, le court-métrage est obligatoirement tourné avec un smartphone et sa durée est limitée à six minutes (1 Go maximum en .mov mp4 ou H264). On cherche plus la passion que le talent, car s’ils ont le talent, on ne peut pas leur apporter grand-chose, mais s’ils ont la passion, on peut les amener à la canaliser pour en faire quelque chose. Les apprentis travaillent à tour de rôle auprès de chacun des chefs de postes du film pour appréhender l’étendue du travail nécessaire à la création d’un film. Ils doivent également réaliser des courts-métrages et participer à la réalisation de masterclasses.

M : Quelle super idée ce concept d’ateliers ouverts à tous, mais pourquoi à Beaune ?
R. B. : Dès 1970, Claude parlait déjà de son désir d’avoir une école pour transmettre et passer le flambeau. Claude a sympathisé avec le maire de Beaune au moment où les rencontres de l’ARP (Rencontres cinématographiques) se faisaient à Beaune, aujourd’hui à Dijon. Nous étions en tournage avec Claude, sur son film Roman de Gare, et Claude a fait part de son souhait d’ouvrir une école à Alain Suguenot, le maire de Beaune. Ce dernier lui a proposé cet espace que nous avons aménagé pour créer ces ateliers. Sinon, il se serait installé certainement en Normandie, région si chère à Claude Lelouch qu’il a si bien filmée dans Un Homme et une femme !

M : Que font les apprentis dans ces ateliers ?
R. B. : Le principe de ces ateliers est d’offrir un lieu de résidence gratuit. Néanmoins, les apprentis doivent se nourrir et se loger. Ici, ils ont des équipements à disposition et on leur permet de rencontrer des techniciens en activité, puisque le principe c’est aussi de les faire travailler sur un long-métrage. C’est plus simple avec les films de Claude. La première promotion, arrivée en mars 2016, a travaillé sur le film Chacun sa vie en juillet. La deuxième promotion, arrivée en septembre 2017, a eu la chance de travailler en 2018 sur deux films, Les plus belles années d’une vie, présenté à Cannes récemment et La Vertu des impondérables, tourné avec un smartphone et présenté à Angoulême. Les apprentis reviennent souvent ici, preuve de leur attachement au site. Notre structure accueille les projets extérieurs dans la mesure où nos apprentis peuvent enrichir leurs connaissances en assistant, voire en travaillant sur ces prestations.

M : Combien de temps restent-ils ici ?
R. B. : C’est un peu la difficulté car on n’a pas de cursus défini. On se base sur le tournage d’un long-métrage et on essaie de tenir les dates. La troisième promotion a été sélectionnée et elle arrive le 13 janvier 2020. Pour chaque promotion, nous accueillons normalement treize apprentis (nombre fétiche pour Claude Lelouch, treize lettres pour son nom, d’où les Films 13), voire quatorze certaines années.

M : Comment vous faites-vous connaître ?
R. B. : Notre site Internet, le bouche à oreille, les rencontres avec les journalistes et la presse, comme vous.

M : De quels équipements disposez-vous ?
R. B. : On a eu un accord avec Canon et on a treize caméras Canon XC10 en 4K. Ce ne sont pas des caméras de dernière génération mais elles sont performantes et parfaites pour faire des exercices. Elles sont solides, simples et offrent des images de qualité, bien qu’elles ne soient pas destinées à tourner des longs-métrages.

M : Avez-vous abandonné la pellicule ?
R. B. : Oui, la pellicule c’est terminé ! Nous ne travaillons qu’en numérique avec les caméras Canon, mais aussi des smartphones et des caméras 360 ! Selon les chefs opérateurs, on obtient des résultats proches de l’argentique avec des carnations correctes. Le dernier long-métrage qui a été présenté à Angoulême cette année a été tourné avec un smartphone. Claude l’attendait depuis longtemps, car son habitude c’est de filmer l’instant et d’être toujours prêt à sortir sa caméra. Le smartphone démocratise ainsi le cinéma !

M : Et pour le son ?
R. B. : On utilise des perches et des microphones HF sans fil (capsules Sanken), et des microphones Schoeps, soit un matériel audio très complet que nous possédons.

M : Et pour le montage ?
R. B. : On possède quatre salles de montage (deux pour l’image et deux pour le son) et deux loges pour les comédiens. On a sept MacBook Pro Apple avec licences Avid Media Composer et deux systèmes Avid ProTools pour le montage son, un système Da Vinci pour l’étalonnage et on vient d’avoir un moniteur Eizo 4K. On a une licence Adobe Creative Suite qui permet aussi aux apprentis de travailler sur Premiere Pro et nous leur offrons également la possibilité de monter avec Final Cut Pro. Ici on fait toute la postproduction. On a une salle de projection polyvalente de 41 places équipée d’un projecteur de salle Sony en 4K, et d’un son 7.1, salle qui peut être utilisée pour projeter les films, les rushes des films tournés, mais qui peut également servir de salle d’étalonnage et également de studio de mixage, dans laquelle on a entièrement mixé et étalonné en Eclair Color le dernier film de Claude fait au smartphone. De plus, on a une petite unité de postproduction pour sortir les DCP, tandis que les DCP de distribution sont faits par le laboratoire du distributeur.

M : Avez-vous un studio de tournage ?
R. B. : Oui, on a un studio de prises de vues d’environ 500 m2 dans lequel on peut aussi organiser des concerts et des masterclasses. On dispose de 350 places assises et 500 debout. Il est associé au Bistrot des Cinéastes, lieu où nous avons conservé l’esprit général des Ateliers du cinéma, celui du « cinéma », pour proposer plus qu’un lieu… un décor, un univers pour un agréable moment en famille ou entre amis. Ici la convivialité est de rigueur !

Article paru pour la première fois dans Moovee #1, p.14/16. Abonnez-vous à Moovee (6 numéros/an) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.

Les Ateliers du cinéma, Claude Lelouch – 13, boulevard du Maréchal-Joffre – 21200 Beaune, www.ateliersducinema.org