Production

Rencontre avec Laurence Lascary

ASCENSION

Publié le 12/03/20

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Laurence Lascary, présidente de l’Association des jeunes producteurs, a porté à bout de bras la production de L’Ascension, réalisé par Ludovic Bernard, un projet fou qui l’a menée avec son équipe au Népal et a séduit plus d’un million de spectateurs.

Portrait de Laurence Lascary à la Cité du cinéma. © DR

Lors de notre rencontre avec Laurence Lascary, elle précise d’emblée : « Pour se lancer dans une première production de long-métrage, il faut vraiment se mettre en condition mentale, et se dire que c’est possible. » Sans aucune expérience, ne serait-ce que de plateaux de cinéma, la jeune femme s’est jetée dans cette aventure avec une détermination qu’on ne peut que saluer. Elle ne s’attaque pas à du simple pour son premier coup d’essai : L’Ascension est l’adaptation du livre de Nadir Dendoune (Un Tocard sur le toit du monde), l’histoire d’un gamin des banlieues parti à l’assaut de l’Himalaya, rien que cela ! La jeune femme prend date avec l’auteur et, épaulée d’une avocate, rencontre l’éditrice afin de négocier les droits du roman. « Il faut être attentif à la durée de l’option et si elle est renouvelable. Le montant de cette option équivaut à 10 % des droits, qu’il faut arriver à évaluer de manière équitable, d’autant que généralement l’éditeur demande à ce que ceux-ci soient indexés au budget du film », commente Laurence Lascary, qui précise « les droits de remake restent le plus difficile à obtenir ».

 

Convaincre, encore et toujours

Cette première étape accomplie, la jeune productrice commence à constituer son équipe. « L’Ascension est ce que l’on appelle un film de producteur, de commande », souligne-t-elle. On est en 2011. Elle pense alors à Olivier Ducray, un ami de fac, maintenant scénariste accompli, et lui propose de coécrire l’adaptation, le scénario, avec Nadir Dendoune. « Je n’ai pas suivi les conseils des manuels, qui déconseillent d’associer l’auteur du livre à l’écriture du scénario. Cela a été ma force : Nadir m’a soutenue moralement pendant toutes les années de préparation. »

Écrire l’histoire prend beaucoup de temps, mais la productrice commence à chiffrer le film. Elle se heurte alors à des difficultés de crédibilité. « Je n’ai pas eu une aide car on m’a dit que le projet n’était pas réaliste », détaille-t-elle. Heureusement arrive alors le soutien de l’aide au développement du CNC, et un bonus du fonds Images de la diversité. « Ces aides ont été déterminantes, elles ont permis de payer les auteurs, de faire appel à un directeur de production pour un premier devis, de peaufiner le dossier en termes de présentation marketing, de payer les déplacements pour trouver des partenaires. »

Ce qui l’a beaucoup aidée et qu’elle recommande aux jeunes producteurs est de participer aux résidences, forums, labos, etc. pour confronter son projet aux regards de professionnels, que ce soit des scénaristes, des producteurs ou des distributeurs. « On a présenté notre projet au forum de coproduction de Namur où on a trouvé un coproducteur belge, Need Prod. Il nous a soutenus pendant tout le développement, même si, à la fin, il n’est plus dans la coproduction. » Elle trouve alors un distributeur, signe une convention avec ce dernier, qui, un an après, se désengage.

 

Faire confiance à ses partenaires

Cela fait déjà trois ans que le film est en développement et Laurence Lascary manque de laisser tomber, mais la fin sur l’option approchant, elle repart à l’assaut. Elle emprunte des fonds, soutenue par Need Productions, et conserve l’option. Elle trouve alors un réalisateur, Ludovic Bernard, et reçoit un coup de main amical du directeur de casting, Gaye. « Il a fait un casting très varié, avec des comédiens, des youtubers, des gens du stand-up, etc. J’ai failli passer à côté d’Ahmed Sylla, Gaye a insisté pour que je le voie. C’est important de faire confiance aux gens avec qui l’on travaille. Ils sont meilleurs que nous dans leur domaine. En casting, c’est devenu une évidence : ce rôle était pour Ahmed. »

Avec ce package, au marché du film de Cannes, Laurence Lascary démarche Mars Films. Commence ensuite la longue attente. « J’ai commencé à paniquer car nous avions des fenêtres de tir très courtes pour aller tourner au Népal. J’ai envoyé le projet à d’autres partenaires et la Région Rhône-Alpes a répondu en premier, avant la réponse du distributeur. Et après tout est allé très vite… Mars a dit oui, France 2, les Sofica… Cela s’est fait en cascade, comme des dominos », se souvient-elle, ajoutant : « il ne faut pas négliger la présentation du dossier écrit et déposer son dossier quand il est vraiment peaufiné. L’emballage doit être vraiment travaillé, le projet solide. »

 

Savoir s’entourer

Le tournage a duré neuf semaines au total, à Paris, au Népal et dans les Alpes. Budget final, 5 millions d’euros et des années de développement et de tâtonnements. « Il faut vraiment être solide pour arriver au bout et ne pas remettre un instant en question la légitimité du film que l’on veut porter. Il faut être droit dans ses choix », concède-t-elle. Le directeur de production, aussi guide de haute montagne, trouve alors par son réseau un producteur exécutif au Népal, permettant à ce projet incroyable d’enfin aboutir. De retour à Saint-Denis, la postproduction se déroule chez Digital Factory, à un jet de pierre des bureaux de la société de production de Laurence Lascary, De l’Autre Côté du Périph.

« Pas moins de 300 personnes ont in fine travaillé sur ce film », ajoute-t-elle. Une belle histoire qui a attiré plus d’un million de spectateurs. Depuis, Laurence Lascary a produit un documentaire, à sortir en début d’année prochaine, Partir ?, et développe plusieurs projets. Elle travaille notamment sur son deuxième long-métrage : la vie d’un Français, plus jeune champion du monde de pâtisserie après une enfance difficile. Un nouveau défi qui arrivera dans les salles l’année prochaine.

 

En bref

• L’Ascension

Date de sortie : 25 janvier 2017

Box-office France : 1,2 million d’entrées

Réalisateur : Ludovic Bernard

Productrice : Laurence Lascary (De l’Autre Côté du Périph).

Chaîne : France 2

Soutien : aide à l’écriture CNC

Distributeur : Mars Films

Vendeur international : Studiocanal

 

• Partir ?

Genre : documentaire

Date de sortie : début d’année 2020

Avant-première : 26 novembre 2019, dans le cadre du Festival des solidarités, en partenariat avec SOS Méditerranée à Verson

Réalisatrice : Mary-Noël Niba

Productrice : Laurence Lascary (De l’Autre Côté du Périph).

 

Article paru pour la première fois dans Moovee #1, p.74/75. Abonnez-vous à Moovee (4 numéros/an) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.