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« Paris Police 1900 », Plus de 200 plans retravaillés en post-production

VFX

Publié le 08/09/21

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Dans la série Paris Police 1900, les VFX font la preuve de leur redoutable efficacité, tout en subtilité et discrétion.

Pour donner à Paris son air de début de siècle, les pavés sont de rigueur, après avoir effacé les traces des années 2020. © Tetra Media Fiction / A.F.P.I. / Canal+

 

S’il fallait encore le démontrer, les VFX sont une donnée incontournable dans la fabrication d’un film ou d’une série. Signés par la Compagnie Générale des effets visuels, les VFX Paris Police 1900 sont la pierre angulaire de ce récit politico-policier écrit par Fabien Nury. Bienvenue dans ce monde violent peuplé de condés, maquereaux et autres personnages tordus tout droit sortis de la grande Histoire.

La série Paris Police 1900, proposée depuis le 8 février sur Canal+, plonge le téléspectateur dans la capitale avant qu’elle ne devienne la Ville Lumière. Un pari fou confié à Fabien Nury, auteur de bande dessinée (Il était une fois en France, La Mort de Staline) et en audiovisuel (Guyane). Pour faire revivre cette période très peu abordée dans la fiction française, il lui a fallu se nourrir d’un important travail de recherches afin de rendre palpable et cohérent cette affaire politico-policière. Car si Paris Police 1900 est une fiction, la base s’appuie sur des personnages et des faits réels. Et c’est là l’une des clés de la réussite de Paris Police 1900 : revisiter la grande et la petite histoire avec un infini soin du détail.

Pour cela, le showrunner s’est entouré d’une équipe pointue avec des postes clés occupés par des professionnels expérimentés tels que Pierre Quefféléan (César pour Au revoir là-haut) aux décors et accessoires d’époque, Anaïs Romand (césarisée à trois reprises, dont pour L’Apollonide) qui a mobilisé trois ateliers de fabrication pendant trois mois, Brecht Goyvaerts et Nicolas Pétris. Fabien Nury a été rejoint à la réalisation par Julien Despaux (Zone Blanche) et Fréderic Balekdjian (Kaboul Kitchen).

Parmi les autres qualités de cette série, notons un casting au cordeau, sans tête d’affiche, faisant justement la part belle à des comédiens du théâtre et à de jeunes acteurs, une excellente idée de Okinawa Guérard.

C’est ainsi constituées que, du 12 juillet 2019 au 25 février 2020, les équipes ont posé leurs caméras notamment dans un 36 quai des Orfèvres reconstitué en studio, rue Malebranche dans le 5e arrondissement de Paris. À Crèvecœur-en-Bry, un hôtel particulier à l’abandon est devenu l’hôtel particulier de la vénéneuse Meg. Une ancienne usine de filage abandonnée à Balagny-sur-Thérain avec des bâtiments en briques et deux rues exploitables, a été transformée en abattoirs de la Villette.

Si le tournage a été terminé avant la pandémie, il n’en a pas été de même pour la postproduction. Menée par Séverine de Wever, directrice de production de la Compagnie Générale des effets visuels (CGEV), dirigée par Alain Carsoux, celle-ci a dû être mise en suspens lors du premier confinement, en mars 2020, ne reprenant qu’en juin et glissant jusqu’à l’automne.

Il faut dire que sans le travail en VFX, supervisé par Stéphane Dittoo Mamode assisté d’Adelice Picchiottino, pour la CGEV, Paris Police 1900 ne serait pas ce qu’elle est : une réussite non seulement scénaristique, mais aussi un tour de force visuel.

 

Plus de 200 plans retravaillés

Pour atteindre cette perfection, toute en discrétion et en finesse, à la hauteur de l’exigence des réalisateurs, saluée par Stéphane Dittoo Mamode, l’équipe des VFX a été impliquée en amont du tournage. Avant le premier tour de manivelle, ont été réunis tous les chefs de poste, réalisateurs, la déco afin de « déterminer ce qui pouvait être fait en direct et ce que nous pouvions ajouter ensuite », raconte Stéphane Dittoo Mamode.

« Nous étions aussi présents sur le tournage : nous avons analysé les plans avant le tournage afin de bien connaître les mouvements de caméra, pour pouvoir, plus aisément, les caler en postproduction, notamment les plus difficiles, ceux tournés à la grue », reprend-il.

Car tourner dans une rue à Paris en 2019-2020 et donner l’illusion d’être en 1900, implique un important nettoyage de l’image en postproduction : « Il y avait beaucoup d’anachronismes à gommer (câbles téléphoniques, panneaux de circulation, voies de vélos, passages cloutés, etc.), la série se déroule en 1900, le mobilier urbain était très différent. Nous avons rajouté les rues pavées, du mobilier urbain adapté, des monuments historiques au loin, tel que Notre-Dame. Tourné en direct, une partie est réelle, celle où l’on voit les acteurs, tout l’arrière-plan est reconstitué en postprod, même les reflets de Paris dans les vitres des carrosses. C’était un travail tout en subtilité ».

De même, une grande partie des abattoirs de la Villette a été reconstituée en VFX, en s’appuyant sur les photos de l’époque. « Le principe est de détourer les acteurs avec l’environnement crédible créé par la déco, puis on détecte le mouvement de caméra pour le reconstituer et l’on fabrique des images numériques avec les logiciels Maya pour la 3D et Nuke pour la 2D et le compositing. Le plus complexe, puisque ce ne sont pas des images fixes, est de bien respecter le mouvement des caméras et les perspectives », explique-t-il.

Autre parti pris de la réalisation : mettre le téléspectateur en immersion totale. « C’était une vraie volonté de la réalisation, avec un cadre resserré, filmé en scope ». Avec Paris Police 1900, l’idée n’était surtout pas de présenter Paris en plan large, de faire une carte postale de la capitale à la Belle Époque. Bien au contraire, on reste au plus près des protagonistes et même la lumière a été pensée avec le chef opérateur Brecht Goyvaerts.

« Les réalisateurs souhaitaient qu’il y ait une sorte de fumée ambiante. Nous avons rajouté dans de nombreux plans des petites fumées pour donner un côté laiteux à l’image, afin de donner la sensation d’être dans un environnement poussiéreux, sali », détaille le superviseur de VFX.

Dans ce Paris de 1900, l’électricité n’était pas encore installée dans tous les foyers et n’avait pas envahi les rues. L’image reflète le côté éclairage au gaz et à la bougie, avec des tons plus chauds qu’une série telle que la britannique Peaky Blinders, une référence en termes de production historique. On retrouve dans ces deux œuvres notamment un point commun : l’extrême violence.

Outre le fait que le récit de Paris Police 1900 intègre une enquête policière, le téléspectateur s’enfonce dans l’extrême pauvreté des quartiers populaires parisiens de la très mal nommée Belle Époque, entre crasse et violence. Dès le premier épisode, un kiosque à journaux est incendié. Un travail accompli en VFX.

« Nous avons aidé à faire brûler le kiosque, mais aussi une chambre. Nous avons aussi réalisé en numérique des impacts de balle, des coups de couteau, de giclées de sang », détaille Stéphane Dittoo Mamode.

Alors qu’à l’image, on assiste à l’égorgement d’un petit cochon ou à la mort de lapins lors d’une partie de chasse, aucun animal n’a été tué : « Nous avons tué le cochon en numérique. Nous l’avons figé pour donner l’impression qu’il était mort, le tranchage de la gorge et les éclats de sang ont été réalisés en postprod », souligne-t-il.

Mais une fois tous les VFX intégrés, le travail de la CGEV n’a pas été terminé pour autant. Une fois la série étalonnée par Charles Fréville, il y a encore eu des aller-retours avec la postprod, afin d’arriver à un résultat proche de l’envie des créateurs.

« Les réalisateurs sont très pointilleux et analysent les images : nous avons réajusté les lumières pour être très précis. C’était un plaisir de travailler ainsi », conclut-il. Saluée par les historiens et les téléspectateurs, Paris Police 1900 devrait avoir une seconde saison, le tournage est annoncé pour janvier prochain, avec cette fois une balade en 1905.

 

EN BREF

8 x 52 minutes

Création : Fabien Nury, avec la collaboration de Benjamin Adam, Alain Ayroles et Thibault Valetoux.

Réalisation : Julien Despaux (épisodes 1-4), Fréderic Balekdjian (épisodes 5-7) et Fabien Nury (épisode 8).

Production : Emmanuel Daucé pour Tetra Media Fiction et Fabien Nury pour A.F.P.I.

Budget : 19 millions d’euros.

Diffusion : Canal+.

 

Article paru pour la première fois dans Moovee #7, p.61/63. Abonnez-vous à Moovee (6 numéros/an) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.