Academie

Une école du futur bien ancrée dans le présent

TUMO

Publié le 19/05/20

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Cinéma, animation, jeu vidéo, musique, dessin, design graphique, modélisation 3D et programmation, voici le programme Tumo, une école de la création numérique parisienne plutôt inspirante.

L’école se déploie sur 600 m2 et met à disposition des jeunes 150 ordinateurs Apple. © Gilles Coulon - Tendance Floue

Unique en France par ses principes pédagogiques innovants et son implantation au sein d’une institution culturelle à part entière, l’école de la création numérique Tumo Paris a ouvert ses portes à la rentrée 2018 dans les locaux du Forum des Images de Paris, au cœur du quartier des Halles. Avant la crise du Covid,  elle y accueillait chaque semaine plus de 1 300 jeunes pour une plongée en situation d’apprentissage hors du temps scolaire. Claude Farge, directeur général du Forum des Images et directeur de Tumo, nous présente cette initiative résolument inclusive…

 

Moovee : Y a-t-il un profil pour entrer à Tumo ?

Claude Farge : Tumo Paris est une école gratuite pour les 12-18 ans. Aucun prérequis n’est exigé à l’entrée, l’inscription est ouverte toute l’année à tous les Franciliens et les élèves peuvent y rester autant qu’ils le veulent : un, deux ou trois ans. Quelque 30 % de nos étudiants viennent de proche banlieue. Fin 2019, nous accueillions 40 % de filles et en 2020-2021, le Forum des images renforcera sa mission inclusive en ouvrant sa capacité d’accueil à plus de 1 500 étudiants, avec un quota de 50 % d’étudiantes et une ouverture aux jeunes issus du champ social à hauteur de 50 % des effectifs.

 

M. : 18 ans est donc l’âge limite d’entrée ?

C. F. : Pour s’inscrire oui, mais quelqu’un qui s’inscrit à 18 ans peut rester plusieurs années s’il le souhaite ; 89 % de nos étudiants de l’an dernier ont voulu continuer en année 2 ; nous nous adaptons car notre pédagogie s’articule autour du besoin de l’élève. Nous ne proposons pas une posture d’apprentissage classique ; par conséquent, si l’élève souhaite rester plus longtemps, eh bien, c’est à nous d’imaginer le système pour qu’il se sente bien l’année suivante !

 

M. : Le principe de Tumo Paris est innovant…

C. F. : Nous sommes le fruit d’un partenariat avec Tumo Erevan, qui existe déjà en Arménie depuis une douzaine d’années et qui a été élue, il y a trois ans, « École la plus innovante du monde en matière de création numérique » par le magazine We Demain. Tumo n’est pas une école au sens traditionnel du terme. Ici, on est vraiment dans les nouveaux usages du numérique et la liberté y est une notion fondamentale. La liberté de s’installer comme on veut, la liberté de son parcours, de son rythme… Grâce à l’expérience d’Erevan, nous savons que la plupart des élèves restent entre deux et trois ans à l’école, ce qui leur permet de faire le tour de l’ensemble des disciplines proposées…

 

M. : Qu’apprend-on à Tumo Paris ?

C. F. : Tumo Paris représente une brique supplémentaire dans l’offre du Forum des Images pour apprendre aux jeunes à créer en toute autonomie des œuvres numériques. En termes de création audiovisuelle, il peut s’agir de prises de vues réelles, de documentaires, mais aussi de films d’animation, de jeux vidéo, de musique à l’image, de dessins en 2D ou 3D, de design graphique… Évidemment on n’oublie pas non plus le code parce qu’il est difficile de pratiquer tous ces métiers de création sans avoir aujourd’hui quelques notions élémentaires… Au fil des mois, les jeunes réalisent des projets, seuls ou en groupes. Il n’y a pas de diplôme, mais chaque élève pourra néanmoins se prévaloir du travail réalisé puisque tous ses résultats et productions alimentent une page web qui lui est propre.

 

M. : Quelles sont les différentes étapes du parcours ?

C. F. : Au premier niveau, on apprend, en quelque sorte par soi-même, les rudiments théoriques, mais lors de cette étape d’auto-formation quatorze animateurs sont là pour guider les jeunes et les aider à explorer trois des disciplines qu’ils auront choisies dans leur parcours. L’étape suivante, c’est le lab [l’école en compte dix-sept, ndlr], les jeunes vont alors pouvoir créer des œuvres qui leur sont propres avec seize experts issus, pour la plupart, de grandes écoles de graphisme, de création de l’image, telles Gobelins, La Fémis.

 

M. : De quels matériels et espaces disposez-vous ?

C. F. : L’école se déploie sur 600 m2 au sein du Forum des Images. Nous disposons de 150 ordinateurs Mac sur lesquels sont installés la plupart des logiciels professionnels (Photoshop, Pro Tools, Maya…) et d’autres logiciels open source. Tout est fait pour que l’étudiant s’y sente bien… Si vous avez un jour la curiosité de venir, vous verrez des dispositifs assez rigolos, notamment des sièges suspendus au plafond et sur lesquels les étudiants travaillent.

 

M. : Avez-vous envisagé des passerelles entre votre école et des établissements diplômants ?

C. F. : Oui ! Dès le début nous avons eu à cœur d’élaborer des trajets entre l’offre de Tumo Paris et ce qui existe déjà. Il est un peu tôt pour en parler dans le détail, mais nous sommes en contact avec la plupart des grandes écoles pour voir comment aider les élèves qui ont fait Tumo et désireux de poursuivre leur voie. Sans envisager un passe-droit pour éviter les concours, nous avons à cœur d’accompagner les profils assez éloignés de cette culture et qui font preuve de talent… Nous étudions donc avec ces écoles comment nos élèves les plus motivés peuvent profiter de clés pour faciliter leur parcours. Il s’agit de donner confiance…

 

M. : Quels sont vos objectifs ? Déceler les talents de demain ?

C. F. : Non, même si nous sommes très heureux d’aider quelques talents à trouver leur voie, notre but n’est pas de créer des armées d’artistes, tout le monde ne veut pas être réalisateur de jeux vidéo ou spécialiste de l’animation. Au travers cet enseignement numérique, nous apprenons aussi à nos élèves à travailler ensemble, à trouver des ressources en ligne… Ils acquièrent (désolé pour l’anglicisme !) des soft skills, c’est-à-dire les compétences qui leur apprennent à être acteurs de leur vie et pas seulement consommateurs…

 

Pour enrichir leur parcours, des « stages-vacances » (sessions de 24 h) sont proposés aux élèves… En 2019, ils ont ainsi pu profiter de masterlabs consacrés à la création de polices en design graphique, de films courts en stop motion ou encore à la réalisation de vidéos interactives 360°.

 

Article paru pour la première fois dans Moovee #2, p.20/22. Abonnez-vous à Moovee (6 numéros/an) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.