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Optiques… Êtes-vous muffins ou pancakes ?

OBJECTIFS

Publié le 30/11/22

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Rappelez-vous (si vous étiez déjà nés) : à l’époque de l’argentique, celle où on effectuait ses réglages d’exposition et de mise au point manuellement, les appareils de prise de vue étaient bien plus compacts et légers qu’ils ne le sont aujourd’hui.

© Johno Verity - Le chef opérateur Johno Verity apprécie les séries Leica R pour leur compacité et leur rendu esthétique « rétro ».

Depuis, nos boîtiers, caméras et objectifs ont considérablement gagné en volume et en poids, pour pouvoir intégrer les nouvelles technologies destinées à faciliter la prise d’images, grâce à des automatismes toujours plus efficaces. Mais depuis peu, on observe une tendance au retour à des optiques bien plus compactes. Des opérateurs s’intéressent au gabarit et au rendu des anciens modèles et les fabricants en créent de nouveaux, qu’on surnomme pancakes pour leur côté ultraplat évoquant les crêpes anglo-saxonnes. Alors pour vous aider à choisir entre muffins et pancakes, voici un tour d’horizon de ces objectifs et de leurs divers usages.

Alors qu’elles étaient un peu tombées en désuétude, un grand nombre de directeurs de la photo montrent aujourd’hui un réel engouement pour les séries d’optiques fixes anciennes. Ils sont certes attirés par leur compacité et leur légèreté, qui rend les longues journées de tournage moins fatigantes, mais c’est surtout leur rendu qui les intéresse, car il donne un style particulier aux images.

Johno Verity, chef opérateur anglais, apprécie notamment la série Leica R, qu’il monte sur sa RED : « J’utilise ces objectifs quand je cherche un look cinématique et spécial, ils ont un flare fantastique et des couleurs typées. Ce sont leurs imperfections qui rendent les images plus intéressantes. » Il ajoute : « Ils n’ont pas une courbe brutale (de restitution de la luminosité et des couleurs) et un piqué moins marqué que les objectifs contemporains, ce qui les rend particulièrement bons pour filmer les personnes en flattant les textures de peau. »

Des séries de primes anciennes se négocient ainsi à bon prix sur Internet ou dans les boutiques spécialisées dans le matériel argentique, comme celles qui fleurissent dans le quartier d’Akihabara, à Tokyo, et qui viennent trancher avec l’univers high-tech et futuriste du lieu. Pour autant, il n’est pas nécessaire de renoncer aux automatismes actuels et de s’équiper avec du matériel ancien pour profiter d’objectifs ultra-compacts. Plusieurs fabricants développent de nouvelles séries très intéressantes. Parmi eux, citons Laowa, Olympus, Panasonic (Lumix) ou Sony.

Ludovic Drean, conseiller pro chez Nikon, présente ces objectifs : « Nikon a développé à ce jour deux optiques compactes pour la gamme Z : le Nikkor Z 28 mm f/2.8 et le Nikkor Z 40 mm f/2. Elles se positionnement en parallèle de la gamme des Nikkor Z à ouverture f/1.8 qui va aujourd’hui du 20 mm au 85 mm en passant par tous les standards comme le 35 ou le 50 mm. » Alors que la série f/1.8 est de taille conséquente, pour répondre aux exigences sans compromis de la gamme (double moteur autofocus, dessin optique au maximum des capacités de la monture Z avec un très faible tirage optique), les deux pancakes sont étonnamment petits et légers. Cette différence interroge donc sur les qualités des petits modèles. Ludovic explique : « Comme on le sait, en optique, tout est question de compromis, l’optique parfaite optiquement, qui possède une très grande ouverture, des focales multiples avec un faible poids et taille n’existe pas encore, on en rêve ! Les optiques compactes Nikkor Z ont été cependant conçues pour offrir le meilleur équilibre entre taille, rendu de netteté et utilisabilité, le tout dans un prix vraiment très abordable. Le rendu des arrière-plans sera probablement un peu moins saisissant que sur une optique Z à f/1.8 mais la différence sera faible. »

 

© Aurelie Gonin – Avoir un objectif petit et léger sur le boîtier permet de le transporter partout et de capturer des scènes de vie, comme ici dans les rues de Tenerife avec le Nikkor Z 40 mm f/2.

 

J’ai eu l’occasion d’utiliser ce 40 mm f/2 et je possède le 28 mm f/2.8, dont je suis très satisfaite et qui me sert pour divers usages. Monté sur un boîtier Full frame comme le Z9, il me donne un grand-angle sans être fisheye ; c’est le type de focale que j’utilise le plus. Si je préfère me rapprocher de la vision humaine, je bascule le capteur de FX à DX, ce qui applique le coefficient 1,5 et me donne l’équivalent d’un 42 mm. C’est la même chose quand je le monte sur un boîtier à capteur DX tel que le Zfc ou le Z30. Le rendu visuel est très agréable et son gabarit fait que je n’hésite pas à le mettre dans le sac à dos quand je pars en tournage.

Ils sont en outre bien adaptés à l’utilisation d’un gimbal : leur compacité permet un meilleur équilibre du centre de gravité, qui reste fixe du fait de la focale fixe. On bénéficie des automatismes, notamment pour l’autofocus, ce qui permet de se concentrer sur le cadre et les mouvements de caméra sans avoir besoin de manipuler les bagues. Leur légèreté rend le maniement de l’ensemble plus facile, permettant des mouvements plus complexes et plus nombreux, l’opérateur se fatigant moins rapidement.

Quand on choisit une caméra compacte, comme le sont bon nombre d’hybrides, c’est cohérent de monter dessus un objectif qui n’est pas trop gros non plus (et de ne pas doubler le volume avec des accessoires souvent superflus !). Ces séries de pancakes trouvent ainsi tout leur sens. Ludovic précise que « ces deux optiques ont été pensées principalement pour être “vissées” sur un boîtier Z en permanence. C’est d’ailleurs ce qu’on attend idéalement de tout objectif photo, l’avoir prêt pour tous les usages et toutes les situations. Ces focales plutôt standard, en regard de la focale de l’œil, sont des passe-partout permettant d’emportent son boîtier avec l’objectif qui reste à demeure sans avoir besoin de le retirer pour ranger son matériel. C’est ce qu’on souhaite lorsqu’on se déplace dans des environnements où l’image à faire surgit au gré des déambulations. Par exemple en randonnée, en voyage ou encore au quotidien lorsqu’on se rend au travail. »

 

© Aurelie Gonin – Les pancakes sont parfaits lorsqu’il s’agit de monter la caméra sur un gimbal.

 

Ces pancakes, de par leur rapport qualité/prix, ont su séduire les adeptes : « La gamme rencontre un très beau succès au niveau du public, ces deux optiques sont principalement achetées en complément d’un zoom trans-standard déjà possédé pour devenir l’optique de sortie pour “faire de l’image”, par ceci j’entends que la focale fixe oblige le vidéaste à se déplacer depuis ou vers son sujet, à chercher, à soigner son cadre et trouver l’angle de vue optimale par rapport à l’effet cherché. À l’inverse, le zoom pourra être plus confortable pour rapporter le sujet tel qu’on l’a vu. » Ludovic conclut : « Nikon souhaite d’ailleurs continuer à développer cette gamme d’indispensables du sac photo en proposant des optiques qui donnent envie de faire encore plus de belles images ! ».

Un milieu qui s’intéresse naturellement aux objectifs ultra-compacts est celui des dronistes, constamment à la chasse au poids et à la recherche de la miniaturisation maximale. Alan Graignic, de Tiltop films, précise : « Quand on utilise les caméras intégrées aux drones DJI ou les GoPros sur les Fpv, on bénéficie de modèles ultra-compacts mais sans le choix des focales car on ne peut pas changer d’objectif, sauf si on bidouille. »

GoPro propose ainsi à la vente, mais seulement aux États-Unis pour l’instant, la version Black Bones de la Hero 10, et notamment la HD10Pro avec bague adaptatrice pour changer de monture et donc d’objectif. On peut ainsi basculer en micro 4/3, EF ou C. Cette dernière est une monture constituée d’un pas de vis d’un pouce de diamètre. Nommée C comme « cinéma », elle a équipé les caméras 8 mm et 16 mm telles que la Beaulieu S8, les Bolex Paillard, etc. On la retrouve désormais surtout en vidéosurveillance et sur les microscopes trinoculaires. La monture par vissage présentant des pertes de tirage optique à l’usure, elle a été abandonnée au profit des baïonnettes sur la majorité des objectifs, notamment à destination du cinéma où la mise au point exige de la précision. Ces objectifs miniaturisés sont aujourd’hui très recherchés car, montés sur une GoPro, on n’en reconnaît plus l’esthétique, par ailleurs très marquée. Au contraire, on bénéficie d’un look « argentique » sur des images numériques à la pointe de la technologie, captant les acrobaties des drones Fpv. Encore une fois, on remarque une tendance à la recherche d’un rendu typé qui s’affranchit de celui des caméras actuelles. Il ne reste plus qu’à faire un aller et retour à New York pour s’équiper !

 

© Tiltop films – Alan Graignic est toujours à la recherche d’optiques compactes pour la prise de vue par drone.

 

Alan utilise une grande variété d’objectifs pour ses drones : « La caméra X7 Super35 de DJI pour l’Inspire 2 est équipée de la monture DL. On bénéficie de la série d’objectifs prime DJI ayant tous la même profondeur, les mêmes poids et répartition de masse, pour garantir l’équilibrage de la nacelle : 16, 24, 35 et 50 mm à f/2.8, pour couvrir tous les usages. » Il s’intéresse aussi à d’autres marques, et utilise notamment les micro 4/3 Lumix, de Panasonic, qu’il trouve très légers et avec un excellent piqué, le 12 mm Zuiko d’Olympus et même le Zuiko 14-42 mm f/3.5-5.6 d’Olympus. « Pour le live des cérémonies des Jeux Olympiques de Beijing 2022, nous avons monté ce zoom sur une caméra Zenmuse X5F de DJI, elle-même sur un Inspire 1 Pro. C’est très rare d’utiliser un zoom sur un drone, mais la compacité de ce pancake nous a donné la possibilité de varier les focales pendant le vol. Ce sont les moteurs du drone qui ont compensé le changement d’équilibrage pour garder la stabilité. »

Certaines optiques permettent en plus de limiter le travail en postproduction. « Les Laowa sont très intéressants. Par exemple le 7,5 mm f/2.9 Zer-D qui donne l’équivalent d’un 14 mm sans avoir besoin de faire de postprod, car c’est un grand-angle sans distorsion. C’est la même chose avec le 9 mm f/2.8. Ces objectifs sont parfaits pour les vols en intérieur avec des lignes d’architecture marquées. Ce sont des objectifs petits, peu profonds mais ce ne sont pas les plus légers : le poids de la qualité ! »

L’élargissement permanent des gammes d’objectifs utilisables pour les caméras portées par des drones permet leur utilisation dans tous les types de productions, y compris celles qui mettent l’accent sur une qualité d’image optimale, comme la publicité ou le long-métrage. On le voit, que ce soit pour un rendu esthétique particulier ou pour leur gabarit petit et léger, qui permet de les emporter partout et de les monter sur un gimbal ou sur un drone, les objectifs pancakes connaissent un véritable succès. Nos clients ayant compris que ce n’est plus la taille de l’équipement qui garantit la qualité de la vidéo ou le professionnalisme de son opérateur, n’hésitons plus à utiliser du matériel compact !