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Loris Colecchia, assistant caméra et aventurier des temps modernes !

ÉCHAPPÉES

Publié le 18/05/20

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Assistant caméra, assistant réalisateur… Parfois, les frontières sont minces entre les fonctions et les tâches de chacun sur un tournage, qu’il s’agisse de télévision ou de cinéma, ou bien de flux, de documentaire ou de fiction. Une même appellation de métier n’amène pas automatiquement aux mêmes responsabilités selon les conditions et le cadre d’un tournage. Nous avons, à ce titre, rencontré Loris Colecchia qui travaille principalement comme assistant réalisateur pour l’émission « Échappées Belles » diffusée sur France 5 tous les samedis soirs.

Tournage au Kenya parmi les Massaï. Le terrain et les multiples expériences de voyages ont révélé une âme d’aventurier pour Loris Colecchia. © DR

Le programme produit par la société Bo Travail ! existe depuis 2006 et ne cesse de battre des records d’audience sur la chaîne publique en réunissant en moyenne plus d’un million de téléspectateurs. Devant ce succès, en septembre 2010, France 5 a même demandé à la société de production de passer du format de 60 à 90 minutes pour ses prime times. Chaque épisode se centre sur les spécificités d’une région ou d’un pays et part à la découverte de ses habitants et de ses cultures… Le terrain et les multiples expériences de voyages ont révélé une âme d’aventurier pour cet assistant et fait de lui un véritable couteau suisse de la technique, sachant tout utiliser ou presque, et devant faire preuve d’anticipation et de sang-froid face à n’importe quelle situation… Présentation…

 

Moovee : Pouvez-vous retracer brièvement votre parcours ?
Loris Colecchia : J’ai commencé par faire trois ans d’école audiovisuelle à l’ESRA à Paris en option réalisation où j’ai appris beaucoup de choses sur la fiction et les tournages de cinéma. J’ai commencé en faisant mes premières piges pour la télévision. À la base, je voulais persévérer dans la fiction. J’avais envoyé mon CV en régie car c’était, selon moi, une manière de se rapprocher de la mise en scène.

Puis j’ai trouvé mes premiers stages en décoration. C’était avoir un pied au cœur de la mise en scène. Je pouvais rentrer sur le plateau dès qu’il fallait ajuster un accessoire ou autre. Avant de mettre des acteurs et de la lumière, il faut un décor ! J’ai notamment pu avoir une expérience en décoration sur le long métrage Barbara de Mathieu Amalric qui fut gratifiante pour moi. J’aurais aimé continuer à travailler sur du long-métrage pour la suite, mais cela ne s’est pas produit.

J’ai connu une traversée du désert au sortir de l’école. Puis par bouche à oreille, mon père travaillait avec le frère d’un des réalisateurs d’Échappées Belles, Vincent Chaffard. Après beaucoup d’appels téléphoniques et un entretien, j’ai pu partir pour un tournage de quatre jours en France pour un essai en tant qu’assistant réalisateur, qui s’apparente aussi aux fonctions d’assistant caméra. Cela s’est moyennement bien passé…

 

M : Pour quelles raisons ? Est-ce que les représentations que vous vous faisiez du métier ont correspondu à la réalité du terrain ?
L. C. : Travailler pour de la fiction sur un tournage en cinéma ou pour de la télé, ce n’est pas la même chose. En cinéma, il y a un premier assistant qui s’occupe uniquement de la caméra, il fait le point, il s’occupe des optiques… Il y a un second, voire un troisième assistant caméra et un cadreur. Personne ne fait le travail d’un autre. À l’inverse, en télé, et c’est là la grande différence, plus nous pouvons aider, mieux c’est.

Dans le cas d’Échappées Belles, l’équipe de tournage comprend quatre personnes : un animateur, un réalisateur, un assistant réalisateur et un ingénieur du son. L’assistant réalisateur a plusieurs casquettes : celle d’assistant caméra où il va porter le pied, gérer les boîtiers, nettoyer les optiques, changer les batteries, faire le point… Ses autres casquettes sont celle de la régie, c’est lui qui conduit et qui est responsable de l’équipe, et celle de l’assistant réalisateur comme son nom l’indique, puisqu’il est responsable du planning et du bon déroulement du tournage. J’ai fait quelques erreurs durant ma première expérience. C’est onze mois plus tard que ce même réalisateur, Vincent Chaffard, m’a fait confiance et m’a rappelé pour un tournage en Ardèche en mai 2017 où les dix jours de tournage se sont mieux passés. Désormais, j’enchaîne les tournages pour l’émission…

 

M : Est-ce que tous les tournages se ressemblent ?
L. C. : Le producteur exécutif du programme choisit les équipes en fonction de la disponibilité des uns et des autres. À chaque nouveau tournage, il faut réadapter sa façon de travailler puisque ce ne sont jamais les mêmes personnes. Il y a environ une quarantaine de tournages par an avec une dizaine d’assistants, une dizaine d’ingénieurs du son et une dizaine de réalisateurs. Chaque émission comprend également une partie sujet, avec voix off tournée par un JRI et un assistant.

 

M : Est-ce vous qui choisissez le matériel pour les tournages  ?
L. C. : Ce sont les réalisateurs qui choisissent leurs outils. Chaque réalisateur a sa propre configuration de tournage. Je dois m’adapter en fonction de chacun. Certains préfèrent tourner avec des boîtiers comme le Panasonic Lumix GH5 ou le DJI Ronin-S. D’autres utilisent plutôt des caméras télé comme la Panasonic VariCam ou la Canon EOS C300 Mark II. À cela peuvent s’ajouter une GoPro ou la DJI Osmo Pocket. En accessoires, nous retrouvons toujours les batteries, talkies-walkies et housse de pluie. Pour les pays froids, au Québec par exemple où il peut faire -20 °C en journée, nous prenons des chaufferettes pour garder les batteries au chaud. Même la bague du diaph gèle ! Nous faisons aussi des plans au drone qui sont réalisés par l’ingénieur du son ou le réalisateur. Tout le matériel doit être notifié sur un carnet ATA pour pouvoir passer les douanes aux frontières des différents pays.

 

M : Lors de vos voyages et de vos tournages, est-ce que vous respectez une sorte de feuille de route stricte venant de la production ou, sur place, selon la situation, vous pouvez vous permettre quelques espaces de liberté ?
L. C. : À la base, il y a toute une prospection qui se fait depuis Paris. Ce sont les journalistes qui trouvent les personnes à interviewer sur place. Après, nous pouvons effectivement nous permettre quelques libertés qui sont moins écrites, moins scriptées. Par exemple, quand nous étions en Nouvelle-Calédonie, nous sommes passés devant une plage et des enfants y jouaient… Nous nous sommes arrêtés pour filmer cette scène de vie. Sinon, je filme seul des images d’illustrations. Je peux choisir de poser mon trépied à tel endroit pour faire des plans de coupe ou des beauties.

 

M : C’est un poste qui a un côté très aventurier, mais aussi très humain…
L. C. : Bien sûr. Nous rencontrons des personnes qui se racontent et décrivent leur métier avec passion. Elles évoquent leur propre rapport à leur terre et à leur environnement. Cela peut parfois être très fort et intense. Cela reste une aventure très humaine, tant avec l’équipe que pour les rencontres sur place.

 

M : Quel a été, dans le cadre de vos missions, le plus gros challenge qui vous a été demandé de relever ?
L. C. : Il y en a beaucoup ! On me demande de filmer sur terre ou dans les airs ! Il m’est arrivé de tourner depuis un hélicoptère, portes ouvertes, ou encore en faisant du parapente. Je suis même monté sur un arbre au Costa Rica pour une séquence avec un journaliste à 50 mètres de haut et une fois en hauteur, l’arbre tanguait… Mais mon plus gros challenge accompli reste celui d’être allé filmer avec des palmes à la GoPro en Australie dans le Pacifique où l’eau était à 10 °C… Il fallait que je fasse des plans de gros oursins de mer ! Il y a un côté intrépide forcément dans tout cela. Nous pouvons être sollicités pour toutes sortes de plans que nous n’aurions même pas imaginés nous-mêmes. Il faut garder à l’esprit que nous sommes toujours encadrés par des spécialistes.

 

M : Combien de fois avez-vous fait le tour du monde ?
L. C. : En fait Échappées Belles m’a permis de découvrir la France ! Quand nous sommes jeunes, nous cherchons souvent à partir dans des destinations lointaines. Nous pensons rarement à la France. J’ai compris pourquoi c’était un modèle de diversité touristique. Ensuite, j’ai pu voir à l’étranger des paysages exceptionnels qui restent peu accessibles aux voyageurs. C’est une chance immense, j’en suis conscient. C’est quelque chose que la fiction ne m’aurait pas apporté ou en tout cas beaucoup plus rarement.

 

M : Vous avez un statut d’intermittent. Travaillez-vous pour d’autres productions ?
L. C. : J’ai travaillé sur la série scientifique Terres Extrêmes en tant que cadreur pour France 5. Cela évoque comment l’humain s’adapte face à un climat et un environnement hostile. Puis dernièrement j’ai travaillé pour Il faut sauver les Alpes, diffusé sur Ushuaïa TV, en tant que cadreur également. L’émission propose une approche positive du dérèglement climatique, en vue de trouver des solutions concrètes pour contrecarrer la pollution alpine… Je suis également, en parallèle, rédacteur web de critiques de films pour Le Blog du Cinéma.

 

M : Des projets pour la suite ?
L. C. : J’ambitionne de devenir chef de poste en étant réalisateur télé. J’ai un profil orienté télévision maintenant, mais je n’abandonne pas l’idée de pouvoir retravailler en fiction un jour. Christophe Kieslowski était à la base réalisateur télé en documentaire avant de faire de la fiction… alors je ne m’empêche pas de rêver !

 

M : Pour finir, quels conseils donneriez-vous à un jeune qui souhaiterait travailler dans l’audiovisuel ?
L. C. : Sur le terrain, il faut apprendre très vite. Nous sommes confrontés à nos propres erreurs. Il faut comprendre les besoins et ajuster. Assistant réalisateur, cadreur ou assistant caméra peu importe, sont des métiers qui nécessitent toujours de l’anticipation. Ce ne sont pas des métiers faits pour tout le monde. C’est très physique, mais cela requiert également une grande gestion du stress. Si je devais donner un seul conseil, ce serait celui de persévérer. Moi, j’ai failli abandonner. Il faut bien déterminer, cibler et être sûr de ce que l’on souhaite faire. Et ensuite, à partir de ce moment-là, il faut foncer !