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Led, vous avez dit Led ?

TÉMOIGNAGES

Publié le 05/04/21

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Rémy Chevrin (AFC), Nathalie Durand (AFC), Philippe Marchais et Jean Poisson, tous quatre directeurs de la photographie, ont accepté de raconter la manière dont ils utilisent les projecteurs à Led lors de leurs tournages.

Jean Poisson a réuni plusieurs modèles de projecteurs Led pour déterminer ceux qui conviendraient le mieux aux demandes de son prochain tournage. © Jean Poisson

 

Rémy Chevrin et Nathalie Durand éclairent le plus souvent des longs-métrages, des téléfilms ou, en ce qui concerne Nathalie, des documentaires. Philipe Marchais met en lumière les églises pour les messes télévisées. Jean Poisson a une prédilection pour les publicités souvent tournées en studio. De par leurs expériences différentes, leurs exigences et les contingences, les contraintes varient et sont riches d’enseignement.

La technologie des projecteurs à Led ne cesse de progresser offrant de plus en plus de possibilités créatives. Leurs gammes s’enrichissent de modèles à usages multiples, de puissances, de tailles, de poids divers dans un assortiment éclectique.

 

Mais, quid de leurs usages ? Dans quelles circonstances les directeurs de la photo les utilisent-ils plus volontiers ?

Rémy Chevrin ainsi que Nathalie Durand les apprécient particulièrement lors des tournages en décors naturels en raison des économies d’énergies qu’ils permettent. Comme le souligne Rémy, les groupes électrogènes sont de moins en moins tolérés dans Paris suivant les arrondissements (en cause : la pollution, le bruit, le stationnement sur la voirie). Tourner à l’aide de projecteurs à Led lui permet d’économiser de l’électricité de manière conséquente : avec des projecteurs à Led sa consommation journalière est aux alentours de 4 à 5 kW au lieu de 15 à 20 kW avec des projecteurs traditionnels. Grâce aux progrès technologiques des projecteurs à Led de ces deux dernières années (IRC, fiabilité, variété de couleurs, puissance restituée, qualité de lumière), ils deviennent pour lui un véritable choix artistique.

Nathalie a la même approche écologique et met en avant l’éclairage de nuit dans une rue sans possibilité de branchement. Dans ce cas-là, elle choisit une Skypanel 360 alimenté sur batterie qui lui sert de contre-jour avec une puissance suffisante. Ce dernier lui permet aussi d’excentrer une source du plateau sans câble d’alimentation. Elle le place aussi parfois derrière une fenêtre pour canaliser le faisceau et obtenir une entrée de lumière grande et douce. Lorsqu’elle a tourné un long métrage en Mongolie, les prises de vues intérieures étaient dans un tipi. Sa liste électrique n’était constituée que de petits et légers projecteurs à Led alimentés sur batteries.

Philippe Marchais apprécie la puissance et la douceur de la lumière des Skypanels 360 ou S60 RVB équipés de Loovers pour éclairer l’assemblée des fidèles sans ombres mal venues. Les tout petits modèles sur batteries ont aussi sa faveur pour modeler les détails d’une sculpture, tout en ayant facilement la possibilité de dissimuler la source de lumière.

Jean Poisson ne se déplace jamais sans un grand sac rempli de plusieurs petits panneaux à Led sur batteries dont il trouve moult utilités pour ajouter des petites touches de lumière. Il possède aussi des petites torches qui lui servent à faire des flares dans l’objectif, sur des bijoux ou des reflets lors d’un packshot d’un produit cosmétique.

En pub, il doit souvent tourner à très grande vitesse sans effet de flicker. Les projecteurs traditionnels n’ont plus ce phénomène à partir d’une puissance de 5 kW et dégagent beaucoup de chaleur. Lorsqu’il doit filmer des vraies glaces (celles que l’on mange) ou des fleurs à grande vitesse, produits sensibles à la chaleur s’il en est, il a recours aux projecteurs Led de fort rendement lumineux (comme les Skypanels 360) et produisant peu de chaleur. De même, il utilise ce type de lumière pour éviter aux comédiens et mannequins de transpirer. Les projecteurs à Led ou la lumière basse température !

 

L’ergonomie des projecteurs à Led est différente de celle des projecteurs traditionnels (HMI, tungstène, fluorescence), quels sont ses avantages ?

Presqu’en chœur ils répondent que le faible encombrement, la légèreté, l’alimentation sur batteries et le pilotage à distance sont des bénéfices certains.

Philippe Marchais et Rémy Chevrin racontent qu’ils accrochent des panneaux Led textiles très facilement sur les murs ou au plafond sans devoir fixer de barres de support. La possibilité de régler les projecteurs via une tablette ou smartphone à distance dope leur enthousiasme. En effet, la plupart des modèles sont dotés d’une interface qui permet de commander l’intensité, la température de couleur et même la couleur quand ils sont en RVB.

Avec les alimentations sur batteries, il n’est plus besoin de dissimuler les câbles. Dans les petits espaces, cela permet une plus grande liberté au cadre. Philippe Marchais cite aussi le modèle F8 de chez Zylight pour sa compacité (seulement dix centimètres d’épaisseur). Il est pourtant muni d’une lentille de Fresnel de deux cents millimètres, mais sa focalisation via un soufflet réduit son encombrement, pratique quand il n’y a pas recul.

Jean Poisson souligne, quant à lui, le grand confort que lui procure le changement de gélatines numériques à distance, ainsi que la variété et la précision de la gamme de couleurs à sa disposition. Il cite notamment un tournage de pub pour Chanel durant lequel, grâce aux gélatines numériques, il a pu aisément trouver le rose précis demandé par le client pour éclairer les fonds.

Avec des gélatines traditionnelles, le travail eut été nettement plus fastidieux. En effet, avec la commande des gélatines numérique via un Ipad, il lui est aisé de trouver la bonne couleur en collaboration avec son chef électro et son DIT. Et puis, il économise nombre de rouleaux de gélatine !

Il mentionne aussi le côté pratique des petits projecteurs à Led, alimentés sur batteries, qui se fixent sur une tournette pour les packshots de produits cosmétiques. Fini les câbles qui s’enroulent !

Dans le même ordre d’idées, Philippe Marchais raconte que l’utilisation des panneaux Led commandés à distance lui permet de régler rapidement et finement, en collaboration avec son chef électro et l’ingénieur de la vision, l’exacte température de couleur requise ainsi que les corrections des dérives dans les verts ou les magentas.

 

Et la qualité de la lumière ? Le ressenti de la lumière ?

Donnée subjective s’il en est et qui dépend de la sensibilité et du vécu de chacun… Subjective ? Pas tant que cela. Tous s’accordent à dire qu’ils ne peuvent pas remplacer l’ensemble des outils traditionnels par des projecteurs à Led. Pour eux, les panneaux Led se substituent avantageusement aux tubes fluorescents. Les petits projecteurs Led à lentille de Fresnel ont souvent leurs faveurs. Mais dès qu’ils ont besoin de grosses sources de lumière avec des plages d’éclairement importantes, ils se tournent vers des projecteurs HMI ou tungstène à lentille de Fresnel.

Philippe Marchais n’éclaire pas les faces avec des projecteurs à Led à lentille de Fresnel. Selon lui, il subsiste un point chaud et encore trop de dérive dans les verts. Il estime également que la qualité d’une source Led dépend du choix des diodes et de leur assemblage. Il continuera à utiliser des projecteurs tungstène tant qu’il le pourra. Il trouve que cette lumière est mieux maîtrisée.

Il y a encore deux ou trois ans, Nathalie Durand avait constaté des problèmes d’IRC qui étaient à l’origine de trous dans les longueurs d’ondes de la couleur. Il en résultait des sortes de plaques sur les visages qu’il était difficile d’éliminer à l’étalonnage. Depuis, de grands progrès ont été faits sur ces artéfacts d’IRC et elle utilise des Led pour éclairer les visages avec des sources grandes et douces.

Lorsqu’il doit utiliser des projecteurs à lentilles de Fresnel pour obtenir une lumière directionnelle dure avec des ombres, Rémy Chevrin privilégie les projecteurs tungstènes ou HMI.

Il avoue ne pas avoir encore trouvé un projecteur Led de ce type qui le satisfasse en ce qui concerne la légèreté, la maniabilité et la qualité de la lumière. Pour lui, les lentilles de Fresnel des projecteurs Led ne sont pas assez grandes (vingt centimètres au lieu de quarante centimètres en traditionnel). Par ailleurs, à ses yeux, la lumière de ces derniers est trop brillante, agressive, électrique. En revanche, il aime beaucoup travailler avec des panneaux Led lorsqu’il a besoin d’obtenir une lumière douce.

Jean Poisson utilise beaucoup de projecteurs à Led car ils représentent souvent la moitié de sa liste électrique. En revanche, lorsqu’il doit accrocher une grosse source en « topshot », il choisit l’Alpha 18KW, seul projecteur sur le marché de cette puissance pouvant être mis dans cette position.

 

Quels sont vos projecteurs à Led de prédilection ?

Visiblement, le Skypanel 360 de chez Arri recueille tous les suffrages à cause de sa puissance lumineuse, du fait qu’il soit en RVB, de sa commande à distance et de ses gélatines numériques. Selon Rémy, son rendu lumineux est équivalent à celui d’un 6KW PAR sur une toile. Nathalie l’utilise volontiers derrière une fenêtre pour faire une entrée de lumière. Dans la même catégorie, les SL1 et les Maxi Mix de chez DMG Lumière ont aussi les faveurs de nos chefs op. En outre, Rémy apprécie les Aladdin (90×90, 60×30), les Litemat de chez Litegear, les SL1 de chez DMG Lumière, les Freestyle de chez Kinoflow.

Nathalie aime bien se servir de petits projecteurs à Led Fresnel de chez Filex ou des Dédolight Led en lumière d’appoint, en tache ou en indirect, jamais en direct. En Mongolie, elle avait embarqué des Aladdin Biffe 30×30, des SL1 et des Boa. Elle apprécie aussi la gamme Freestyle de chez Kinoflow. Comme Rémy, elle accroche facilement des Litemat ou des Aladdin Fabric 90×90 « qui procure une belle plage de lumière douce ». Elle privilégie toutes les sources Led jusqu’à un équivalent de 2 kW tungstène.

Philippe Marchais plébiscite les projecteurs Led de chez Arri (Skypanel, L7), mais il se sert aussi des panneaux Aladdin et d’une foule de petits projecteurs, notamment ceux de la gamme Filex. Il vient d’essayer l’Alpha 300, le nouveau Fresnel Led de chez K5600, qu’il trouve parfait avec « une pêche incroyable et un bon IRC ». Quant au Joker Led 300 (K5600) : « Il est très intéressant aussi avec ce côté polyvalent qu’apporte une quantité d’accessoires. Excellent pour des reportages. »

À cette liste, Jean Poisson ajoute les tubes de chez Pipeline qui sont légers, se mettent n’importe où et produisent des reflets nets comme un sabre laser. Il utilise volontiers des grands Carpetlight pour figurer une entrée de lumière par une baie vitrée qui serait située hors champ. Il choisit aussi les Biflex de chez Aladdin pour son rapport taille/puissance. Les projecteurs Aputure LS 300X ont aussi ses faveurs, ainsi que les nouveaux projecteurs Alpha 300 et Joker 300 de K5600.

 

Est-ce que les projecteurs à Led ont changé votre manière d’éclairer, de travailler ?

Pour Rémy Chevrin, on assiste à un changement de l’esthétique dominante dans le cinéma, conduite par l’outil. Les projecteurs à Led font aussi partie d’une économie de tournage. En effet, ils induisent une économie d’énergie, mais aussi de temps d’installation et de manipulation (légèreté et commandes à distance). Il en résulte un type de lumière moins directionnelle et moins contrastée au profit de plus de douceur et de pénombre. Selon lui, la lumière douce est plus complexe à dompter. Il y a plus de douceur et moins de dynamique dans l’image, le rapport au contraste s’en trouve changé.

Nathalie Durand dit que ces outils n’ont pas modifié sa façon d’appréhender un lieu. Pour elle, le grand changement a été l’arrivée des tubes Astera et des Boa, qui sont des sources autonomes, pratiques, que l’on peut mettre où l’on veut. En résumé, les outils de Nathalie sont différents, mais pas sa manière de travailler.

Pour Philippe Marchais, ces nouveaux instruments lui ont facilité certaines tâches et lui ont permis d’en faire de nouvelles. Il souligne les avantages de la miniaturisation des projecteurs. Il cite aussi le côté très pratique des Carpetlight fixés au plafond d’une voiture pour l’éclairer.

Pour Jean Poisson, les projecteurs à Led ont accentué une orientation vers un travail plus précis de l’image. Cette orientation chemine parallèlement avec l’évolution des caméras. Les images en 4K sont plus précises, plus détaillées en lumière. Elles obligent à faire une image plus léchée, plus pointue.

 

Article paru pour la première fois dans Moovee #6, p.28/31. Abonnez-vous à Moovee (6 numéros/an) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.