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Fujifilm GFX 100, filmer en 4K avec un « moyen format »
COLORIMÉTRIE EXTRA
Publié le 10/07/20
Rédigé par Emmanuel Pampuri
Le projet du Fujifilm GFX 100 a été annoncé en septembre 2018 pour être ensuite présenté plus en détail en mai 2019. Ce boîtier moyen format hybride m’a fait tout de suite rêver, avec sa fiche technique incroyable pour un prix assez contenu face à la concurrence directe, même si les 11 000 € exigés par le fabricant pour en faire l’acquisition ne le placent pas à la portée de toutes les bourses. Il devient le haut de gamme de chez Fuji, au-dessus des GFX50S et GFX50R.
Le challenge technologique à produire un boîtier avec un tel cahier des charges est assez énorme. Au-delà de la définition de 102 mégapixels qui est déjà assez hors norme, les ingénieurs de chez Fuji se sont mis en tête de stabiliser le capteur dans un boîtier à visée hybride qui ne soit pas trop volumineux et qui puisse être utilisé comme un gros reflex traditionnel doté d’un autofocus performant et capable d’enregistrer de la vidéo en 4K dans une belle qualité.
Il me semble que le challenge est plutôt ambitieux et j’avoue que d’un point de vue qualitatif, tant en photo qu’en vidéo, j’ai été totalement séduit ! Ce qui est le plus frappant, c’est la taille du capteur qui mesure 43,8 mm par 32,9 mm.
Fujifilm a pris la décision depuis longtemps de ne pas se focaliser sur le traditionnel 24 x 36 mm et propose une gamme de produits baptisée X autour de capteur de type APS-C comme les XT3, les Xpro3, XT30 d’un côté et la gamme GFX de l’autre. Ils partent du principe que la différence de taille de capteur entre l’APS-C de cette gamme et celle d’un 24 x 36 ne serait pas suffisamment marquante pour proposer un saut qualitatif intéressant entre les deux gammes et préfèrent proposer plus de qualité à leurs clients via les moyens formats de leur gamme GF.
Descriptif technique
Le boîtier du GFX 100 est relativement lourd et imposant malgré l’utilisation d’un alliage de magnésium doté d’une finition tropicalisée. Le viseur électronique amovible de 5,76 MP est plutôt confortable avec son grossissement de 0,86 même si je ne comprends pas pourquoi il n’est pas orientable à la verticale ; a priori ça existe au catalogue des accessoires, mais c’est une option !
Le viseur orientable offre un confort supplémentaire, un type de visée plus « poitrine » comme c’était le cas sur les 6 x 6 Rolleiflex de ma jeunesse et sur beaucoup de moyens formats. Avec certaines optiques, l’ensemble avec le boîtier affiche un poids de plus de 2 kg sur la balance, ça peut être fatigant à la longue et pouvoir poser l’appareil contre son torse en appui aurait permis plus de confort.
Ce viseur a la même résolution que dans les boîtiers Lumix S, même si le grossissement est plus important. Je ne trouve pas la qualité de la visée électronique si différente de ce que proposent les boîtiers 24 x 36 hybrides récents, et même si la résolution est inférieure, celle des Nikon Z6 et Z7 est pour moi supérieure car le grossissement et le dégagement oculaire sont plus efficaces.
La prise en main est plutôt agréable et la présence d’un système de double poignée, qui permet de cadrer aussi bien en mode portrait qu’en mode paysage, s’avère très confortable. Je trouve les boutons un peu trop petits alors qu’il y avait la place au dos du boîtier. La disparition du fameux trèfle au profit d’un tout petit joystick multifonctions n’est pas forcément une très bonne idée.
Le choix des matériaux utilisés ainsi que la finition ne m’apportent pas non plus une grande satisfaction. Ils ne m’inspirent pas forcément le côté premium que j’attendrais si j’avais payé un tel tarif pour un boîtier photo professionnel. Le caoutchouc qui protège les prises sur le côté gauche, par exemple, fait moins qualitatif que sur le XT3 qui coûte près de neuf fois moins cher. Néanmoins la prise en main est excellente, le grip est bon, on a une bonne sensation et ça semble fait pour durer.
L’écran présent sur l’épaule droite est plutôt complet et permet d’avoir un coup d’œil rapide sur les principaux réglages de l’appareil ; un petit bouton permet de passer aussi sur l’affichage de l’histogramme et un mode d’affichage qui rappelle les barillets des boîtiers argentiques et le côté néo rétro de la gamme X qui n’est à mon avis pas très utile. L’écran principal est tactile, il offre une diagonale de 3,2 pouces et vu la place au dos du boîtier je l’aurais espéré plus grand. Sa rotation est limitée à la manière d’un XT3 par exemple et ne permet pas toutes les orientations comme on peut l’avoir sur certains boîtiers type Lumix GH ou Canon EOS R, ce qui aurait eu ma préférence.
Les habitués de la marque retrouveront leurs petits en termes d’ergonomie ; le fameux petit bouton « Q » qui permet l’accès à toutes les fonctionnalités essentielles du boîtier est bel et bien présent. Comme la plupart des appareils de chez Fujifilm, la plupart des boutons sont personnalisables.
Une des caractéristiques très plaisante chez Fujifilm, c’est leur système de simulation de pellicule qui est bien entendu présent dans ce GFX100 Velvia, Acros ou même le fameux Eterna qui reprend les principes de la fameuse émulsion chère à bien des directeurs de la photo du cinéma argentique, cette sorte de « demi-log » est un vrai régal à utiliser en vidéo. Pour la vidéo comme pour la partie Jpeg direct, on peut rajouter un petit effet de grain ou un effet dit « chrome » qui peut être très efficace pour ceux qui ne veulent pas passer trop de temps dans le logiciel de traitement des photos.
Côté pratique, le GFX 100 est équipé d’un port USB type C qui permet d’alimenter le boîtier (y compris pendant la prise de vues), de le recharger et de procéder au transfert des images. À noter que c’est dans la version 3.1 qu’il a été intégré, ce qui garantit des taux de transfert très rapides.
Côté support d’enregistrement, Fujifilm a choisi de rester sur le support SD. Je pense qu’un Slot XQD compatible CF Express aurait été plus judicieux. On peut noter la présence d’une prise micro et d’une prise casque en format mini jack 3,5 et d’un port micro HDMI. Mais pourquoi un « micro » quand on a autant de place ?! Au niveau énergie le la poignée verticale intègre deux batteries qui permettent environ 800 clichés suivant le constructeur.
La vraie performance, c’est d’avoir pu intégrer un autofocus relativement efficace et rapide, ce qui est rare et surtout techniquement très compliqué avec un capteur aussi grand et doté d’autant de photosites. J’avoue avoir été totalement bluffé par les performances de cet autofocus qui est digne des meilleurs boîtiers 24 x 36.
J’ai quand même noté que sur le 120 mm f:4, qui semble être d’une ancienne génération, la réactivité, surtout en basse lumière, était souvent à la peine, mais sur des objectifs plus récents c’est vraiment efficace et retrouver le système de détection de visage et la possibilité de dire si on préfère l’œil droit ou l’œil gauche sur son modèle pour la mise au point est vraiment un bonheur en portrait studio.
Forcément un capteur de 102 MP ne peut pas, en théorie, proposer une sensibilité exceptionnelle, le GFX 100 est de ce côté-là très bon, je pensais être vraiment déçu, ça reste excellent jusqu’à 1 600 ISO en photo et encore très bon à 3 200 ISO.
Côté dynamique, c’est plutôt pas mal, mais rien d’exceptionnel. La stabilisation est en revanche plutôt efficace.
Des caractéristiques vidéo 4K DCI, une colorimétrie extra !
Le GFX 100 propose de nombreuses fonctionnalités orientées vidéo/cinéma numérique et avec un tel capteur, c’est aussi ce qui m’a intéressé. L’arrivée des caméras grand capteur comme la Sony Venice, la Red Monstro ou les Alexa LF fait que je me suis mis à rêver d’une déclinaison accessible mais performante pour pouvoir filmer avec un capteur encore plus grand que le 24 x 36, une vraie caméra moyen format à moindre coût.
Un capteur d’une telle taille et aussi défini avec le savoir-faire de Fuji sur la partie traitement, la gestion des couleurs et la qualité de leurs optiques, il était pour moi évident que le résultat serait à la hauteur de mes espérances.
Depuis la sortie du XT2 en 2016, la partie vidéo est devenue une affaire sérieuse et même si ce n’est pas encore une priorité, comme ça peut l’être chez d’autres constructeurs, ils ont commencé à vraiment devenir concurrentiels avec les ténors du genre depuis la sortie du XT3 fin 2018.
Du point de vue de la fiche technique, c’est carrément alléchant, 4K DCI à 400 mb/s 4:2:0 10 bits en interne et 4:2:2 en externe. Le codec est le fameux H265 qui en plus propose une qualité supérieure au H264 à débit équivalent. Malheureusement, au niveau de la fréquence d’images, il est limité à 30 images par seconde. Côté audio 24 bits/48 kHz c’est plutôt pas mal aussi.
Ce qui m’inquiétait le plus à la lecture de la fiche technique, c’est le potentiel rolling shutter au vu de la taille du capteur. Mes premiers tests dans cette direction me l’ont confirmé, ce n’est pas très bon, mais ce n’est pas un point crucial pour moi, je ne passe pas ma vie à faire des mouvements de caméras rapides ni à filmer des choses comme des évènements sportifs ou de la danse, sujets pour lesquels un effet de rolling shutter trop important peut être pénalisant.
Les qualités que j’espérais trouver sur ce boîtier sont bien là, l’image est juste magnifique, le moelleux et la progressivité dans les transitions entre le flou et le net est juste superbe et la colorimétrie d’une beauté rare, la supériorité de Fujifilm à ce niveau sur ses concurrents est pour moi de plus en plus évidente.
Le fameux « Color science », comme on l’appelle dans notre jargon rempli de mots anglais, est juste excellent. Ce système de simulation de pellicules est une vraie belle fonctionnalité qui a du sens et qui apporte un vrai plus aux faiseurs d’images, en photo comme en vidéo.
Le choix de « l’émulsion » Eterna est pour moi une vraie bonne idée, car elle agit comme une sorte de demi-log, on a une colorimétrie plus riche que le F-Log aussi présent dans le boîtier et une image un peu plus dense, mais c’est une excellente base pour travailler son étalonnage si on n’a pas envie d’y passer des heures. Les autres simulations d’émulsions sont aussi très intéressantes pour qui n’a pas du tout envie de passer par la case étalonnage et avoir un rendu direct de très bonne qualité.
Le 4:2:0 10 bits interne H265 est vraiment excellent, il met à la peine bon nombre de machines en postproduction et il faudra sûrement passer par la case transcodage pour avoir une vraie fluidité dans votre logiciel de montage préféré, car il est très gourmand en ressources, contrairement à un ProRes ou à un DnX.