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Tournage : DIT, vous avez bien dit DIT ?

QUÉZACO ?

Publié le 15/06/20

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En clair, il s’agit du Digital Image Technician, un profil que l’on retrouve de plus en plus fréquemment sur les plateaux de tournage… Oui mais encore ? Quézaco ? Que fait ce nouveau venu dans l’équipe image ? Quel est son rôle ?

Karine Feuillard © DR

En fait, il devient indispensable, (je pense qu’il serait mieux de dire que, dans certains pays comme les USA, il est indispensable, mais attention, pente glissante de dire qu’il est indispensable en France) les Américains et les autres l’ont bien compris. En France, le département DIT est constitué d’une ou deux personnes, il est intégré à l’équipe image. Ailleurs, il peut comprendre de trois à huit personnes. Pour faire court, on pourrait dire qu’il fait du « Photoshop » en direct sur le plateau, mais ce serait un peu réducteur, il fait bien d’autres choses et il est très utile au chef opérateur. Il est aussi chargé de la sécurisation des rushes, tâche qu’il peut déléguer au « data manager ».

Pour mieux comprendre, nous sommes allés recueillir le témoignage de Karine Feuillard, membre de l’ADIT (association des DIT), seule femme DIT en France qui collabore avec Pierre-Hughes Galien, Laurent Dailland et Thierry Arbogast entre autres.

 

Mission du DIT

La mission la plus importante de ce technicien est de protéger la création du directeur de la photographie, de faire en sorte que l’image définie sur le plateau ne soit pas dénaturée par la suite. Pour cela, il va travailler main dans la main avec lui, ils vont former un véritable couple artistique. Son travail commence dès la préparation du tournage par un dialogue avec le chef opérateur. Ces deux collaborateurs (c’est bien de cela qu’il s’agit), vont échanger à propos de l’image du futur film. Pour cela, ils s’appuieront sur le scénario, les repérages, mais aussi utiliseront des références cinématographiques, photographiques, picturales…

L’opérateur a déjà eu les mêmes discussions avec le réalisateur. Pour un DIT, avoir une bonne culture générale et un sens de l’image est donc absolument indispensable. Le rôle du DIT lors du tournage sera de décharger le directeur de la photographie de toutes les contingences techniques afin qu’il puisse se consacrer pleinement à la création artistique.

Donc, en préparation, le DIT participera aux essais pour choisir la caméra, les optiques, les filtres, les logiciels utilisés, la station d’étalonnage, le laboratoire, bref tout ce qui constitue la chaîne de production et de postproduction que l’on appelle workflow.

 

Comparaison pellicule/numérique et préparation du tournage

Lors de la préparation du tournage, le DIT, avec le directeur de la photographie, le loueur de matériel et le laboratoire, déterminera le workflow le plus approprié au film. Il sera défini en fonction des choix esthétiques, ergonomiques et économiques. Il découlera aussi du matériel de prise de vue, du logiciel d’étalonnage et du laboratoire choisis.

Sur un tournage en pellicule argentique, le directeur de la photographie choisit son émulsion. Il l’a pratiquée et connaît son rendu, la chimie du laboratoire, les contraintes qu’elles engendrent et sait en tirer profit pour créer. Sur un tournage en numérique, il faut inventer l’émulsion qui sera utilisée. Le champ des possibles est vaste, trop vaste, il faut retrouver des contraintes pour pouvoir créer plus facilement. Eh oui, la création naît de la contrainte, aussi curieux que cela puisse paraître.

En préparation, le DIT va définir avec l’opérateur (et l’étalonneur) l’ODT (Outpout Display Transform) ou la LUT qui sera utilisée à la sortie de la caméra pour convertir l’image dans l’espace colorimétrique REC 709(HD) ou DCIP3 (projection cinéma) choisi. Dans cette LUT (Look Up Table ou courbe de visualisation), il est possible de placer des choix artistiques qui feront l’unité du support image. Elle sera aussi choisie en fonction du logiciel d’étalonnage utilisé sur le plateau et au laboratoire. Tous n’ont pas les mêmes possibilités ; les espaces colorimétriques, la précision des algorithmes et des arrondis ne sont pas les mêmes de l’un à l’autre. Cette ODT, déterminée en préparation, définit l’esthétique globale du film, mais il sera possible de faire des variations à l’intérieur de cette LUT. Elle peut être déterminée par le DIT, créée par l’étalonneur ; celle du constructeur de la caméra peut être aussi choisie.

 

Le travail sur le plateau

Sur le plateau, le DIT reçoit les images en direct sur sa station d’étalonnage. Cela lui permet de dialoguer avec l’opérateur. En France, les DIT viennent souvent des métiers du plateau, cela leur permet d’avoir une bonne connaissance des équipes, des us et coutumes, des manières de travailler. Souvent, en France, le DIT est capable de régler la caméra. Il est attentif aux projecteurs utilisés, à leur température de couleur, leur intensité. Il est aussi attentif à la déco, aux costumes et au maquillage. En effet, ces départements influencent l’image dans le domaine de la couleur et des textures. Par ailleurs, lors de la prise de vue, il est attentif à l’exposition de l’image (certains opérateurs lui confient même la décision de l’ouverture du diaphragme), à la netteté, aux pixels morts, aux taches sur le capteur, aux aberrations colorimétriques, à l’aliazing … Bref à tous les défauts potentiels d’une image.

Pendant le tournage, il étalonne les images, fait de constants allers-retours entre son étalonnage et la lumière, cela lui permet littéralement de fabriquer une émulsion sur le plateau. Pour l’opérateur, c’est un énorme avantage qui lui permet d’apprécier tout de suite ce qui fonctionne ou pas, ce qu’il aime ou pas. Plus le travail d’étalonnage sur le plateau aura été affiné, plus le rendu d’image sera évident, moins les spectateurs en postproduction seront enclins à vouloir le changer. Ce travail de pré-étalonnage sur le plateau sera placé dans les métadonnées des images sous forme de CDL (Color Decision List) avant l’ODT. Si les logiciels utilisés sur le plateau et au laboratoire sont compatibles, cela permet au DIT de faire des corrections plus poussées en jouant sur les couleurs primaires et secondaires.

Un workflow efficace permet de rappeler les métadonnées des images rapidement et de les relier facilement au fichier source (le Raw). Si le DIT est secondé par un data manager, ce dernier se chargera de la sécurisation, du stockage, de la vérification des rushes. Un data manager peut appliquer une ODT, mais ne fait jamais d’étalonnage sur le plateau.

Le DIT assure aussi la coordination de toutes les données, du rapport image, ce qui permettra à tous les intervenants de la postproduction (montage, effets spéciaux, étalonnage) de comprendre comment tous les éléments sont reliés entre eux. Sur le plateau, le DIT prend la place que le directeur de la photographie lui donne. Il peut proposer des choix artistiques qui vont dans le sens du film, mais c’est le chef opérateur qui choisit. Pour rappel, en pellicule, l’étalonnage des rushes est quotidien. Un étalonneur spécialisé au laboratoire les vérifie et en rend compte à l’opérateur.

 

La postproduction

Ici, il est important de rappeler que les images Raw enregistrées ne sont jamais et ne seront jamais impactées par ces réglages effectués avant et pendant le tournage (je pense que cela peut être mal interprété, beaucoup de réglages impactent en réalité la qualité du Raw, seul le pré-étalonnage ne l’impacte pas).

L’étalonnage sur le plateau permet d’affiner les images au plus près du rendu final. Les rushes seront envoyés (au labo) avec ces réglages en métadonnées. Les images pourront être rappelées à l’envi. Lorsque les « proxys » (images compressées et allégées pour le montage) seront édités, ils le seront avec l’étalonnage effectué sur le plateau. Ainsi, le réalisateur et le monteur auront tout au long de leur travail des images conformes à celles souhaitées sur le tournage. Ils pourront s’habituer à celles-ci lors du montage. Lors de l’étalonnage, le réalisateur sera imprégné de ce « look » et sera moins enclin à vouloir en changer ou à vouloir garder des images « Log »… (cela s’est souvent vu…) L’étalonnage sera bien sûr effectué à partir des images Raw. La LUT sera présente, mais sera une référence. Si elle était appliquée d’emblée sur les images Raw, elle serait destructive et enlèverait beaucoup d’informations de l’image.

Au début de l’étalonnage final, le DIT est souvent présent pour passer le relais du mieux possible à l’étalonneur du laboratoire et faire une vérification visuelle des images par rapport à celles du plateau. Quelquefois, si le directeur de la photographie n’est pas disponible, il peut le remplacer lors de cette étape. L’étalonnage final permet de raccorder les plans entre eux, il équivaut à une écriture définitive de l’image.

 

Article paru pour la première fois dans Moovee #1, p.22/24. Abonnez-vous à Moovee (4 numéros/an) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.